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domingo, 2 de junho de 2013

Zone euro : François Hollande plonge dans le grand bain de la démocratie

La France reconnaît enfin qu’il y a un grave problème de démocratie dans la zone euro et que, sans « légitimité renforcée », elle risque d’être rejetée par les citoyens. Dans la contribution qu’ils ont présentée jeudi 30 mai, François Hollande et Angela Merkel affirment, en effet, vouloir remédier à ce qui apparaît de plus en plus comme une « autocratie postdémocratique », selon l’expression de Jürgen Habermas (dans « La constitution de l’Europe »), les décisions du Conseil européen des chefs d’État et de gouvernement et de l’Eurogroupe, prises sur proposition d’une Commission nommée par les États, n’étant contrôlées par aucun parlement. Ils demandent donc que le Parlement européen mette en place en son sein, à l’issue des prochaines élections de mai 2014, « des structures dédiées spécifiques à la zone euro » « afin de garantir un contrôle démocratique et une légitimité appropriés du processus décisionnel européen ». Et, dans les domaines relevant des compétences souveraines (comme les retraites ou la sécurité sociale), mais qui nécessitent une coordination au niveau de la zone euro, « le contrôle démocratique, la légitimité et l’appropriation (devront) être assurés au niveau national » et « des procédures adéquates (devront) être élaborées pour y veiller ».

Il est loin le temps où Nicolas Sarkozy, interrogé en privé sur l’absence de démocratie, me répondait : « comment ça, pas de démocratie ? Mais la démocratie, c’est moi. Si les Français ne sont pas contents de mon action, ils sont libres de ne pas me réélire »… Comme si la présidentielle épuisait la question démocratique. Les Allemands, toutes tendances politiques confondues, en ont conscience depuis longtemps : dès la négociation du traité de Maastricht, Helmut Kohl avait demandé à ce qu’une « union politique » accompagne l’union économique et monétaire. Ce que François Mitterrand avait refusé. Ce n’est que sur l’insistance de Berlin que des pouvoirs ont été petit à petit accordés au Parlement européen : trois traités plus tard, il est quasiment sur le même plan que le Conseil des ministres en matière législative.
Mais il n’a toujours strictement aucun pouvoir pour contrôler ce qui se décide au sein de la zone euro, comme on l’a vu au moment de la crise chypriote. Selon Sylvie Goulard, députée européenne Modem et coauteur, avec Mario Monti, « De la démocratie en Europe », « si le premier plan, qui prévoyait de mettre à contribution l’ensemble des comptes bancaires de l’île, avait été discuté par le Parlement européen, nul doute qu’il aurait été rejeté ». De même, si le Parlement a adopté le « six pack » et le « two pack », qui renforcent les pouvoirs de la Commission en matière de contrôle des politiques économiques et budgétaires nationales, son pouvoir s’est arrêté là : par exemple, il n’a pas son mot à dire sur les « recommandations » que l’exécutif européen vient d’adresser aux vingt-sept Etats-membres, pas plus qu’il ne peut influer sur la définition de la politique économique de l’Union. Olli Rehn, le commissaire européen chargé des affaires économiques et monétaires, ou Jeroen Dijsselbloem, le patron de l’Eurogroupe, n’ont de compte à rendre à personne et ne peuvent être renversés par personne…
Le fameux « saut fédéral » n’est en réalité rien d’autre qu’un saut démocratique et non la constitution d’un super État centralisé à la mode jacobine. L’idée est non pas de donner davantage de compétences à l’Union ou à la zone euro, qui en a déjà beaucoup, mais d’instaurer à chaque niveau de pouvoir un contrôle démocratique ad hoc. Si les Français l’ont toujours refusé, c’est pour deux raisons : d’une part une méfiance ancrée à l’égard du parlementarisme, d’autre part une crainte de voir le contrôle de l’Union leur échapper. En effet, si un État peut toujours bloquer une décision dans un système intergouvernemental où l’unanimité est la règle et donc donner l’impression qu’il est maître du système, ce n’est plus (ou moins) le cas dans un système communautaire. Surtout, dans une fédération parlementaire, le roi est nu : le chef de l’État ne peut plus dissimuler qu’il n’est qu’une partie d’un système plus large…
Si les Allemands sont habitués au fédéralisme (à chaque niveau de pouvoir, ses compétences et son contrôle démocratique), ce n’est pas le cas des Français persuadés que le Président de la République peut tout (d’où l’effondrement de plus en plus rapide de sa côte de popularité, l’Europe et la mondialisation contraignant de plus en plus son action). Mais François Hollande semble décidé à en finir avec les vieilles lunes françaises de la souveraineté formelle, comme le montre la contribution franco-allemande présentée jeudi. Ce n’est pas une surprise : le chef de l’État avait annoncé, lors de sa conférence de presse du 16 mai, qu’il voulait une « union politique » d’ici à deux ans. C’est d’autant plus nécessaire si, comme le souhaite la France, l’on veut à terme instaurer une solidarité financière entre les États membres : il est, en effet, hors de question, pour Berlin, que les citoyens ne puissent contrôler l’utilisation de l’argent public, qu’un pouvoir politique les engage sans qu’ils puissent peser sur le processus décisionnel. « No taxation without representation », en résumé.
Si le diagnostic est simple à poser, le traitement l’est beaucoup moins. Car les institutions européennes sont conçues pour vingt-sept (et bientôt vingt-huit) pays et non pas pour la seule zone euro (dix-sept pays, bientôt dix-huit). Ainsi, est-il admissible qu’une Commission composée d’un représentant par État membre (à la suite du référendum Irlandais sur Lisbonne, l’idée d’une Commission resserrée a été abandonnée –le traité a été modifié en catimini lors du Conseil européen du 22 mai dernier) se prononce à la majorité simple sur la situation budgétaire d’un État de la zone euro ? Quelle est la légitimité d’un commissaire britannique ou suédois, qui peut faire basculer une majorité, dans des matières qui ne les regardent absolument pas ? Tant que la Commission dépendra aussi étroitement des États, la nationalité de ses membres gardera toute son importance. De même, le Parlement européen est composé d’élus de l’ensemble des États : au nom de quel principe les députés britanniques, suédois, tchèques (et pas slovaques comme mon clavier a d'abord fourché ;-)), danois, roumains, etc., auraient-ils un quelconque droit de regard sur les affaires de la zone euro ? Il faut ainsi savoir que la commission des affaires économiques et monétaires du Parlement est actuellement présidée par une Britannique… L’élaboration des politiques et leur contrôle doivent être réservés aux seuls membres de la zone euro, c’est de bonne démocratie.
Le couple franco-allemand s’attaque, pour l’instant, au seul Parlement européen en lui demandant de créer en son sein une commission parlementaire ad hoc composée des seuls nationaux de la zone euro qui sera chargée de se prononcer sur les décisions de l’Eurogroupe. Mais un contrôle par l’ensemble des élus nécessitera une modification des traités prévoyant que seuls les députés de la zone euro disposeront d’un droit de vote pour les affaires qui les concernent. Pour la Commission, la solution pourrait être la même. À moins que l’on donne au président de la Commission, qui devra être élu par le Parlement, le droit de composer son exécutif comme il l’entend. Dans ce cas, qu’il compte un Britannique ou un Suédois importera peu : le lien entre les commissaires et les États aura été rompu et ceux-ci représenteront bien le seul intérêt général européen (après tout le futur président de la Banque centrale d’Angleterre est un Canadien). Mais cela nécessitera aussi un changement des traités, ce qui fait très peur à François Hollande toujours traumatisé par le référendum de 2005 sur lequel s’était déchiré le parti socialiste.
Les Français et les Allemands ont commencé à travailler sur l’architecture de cette future union politique de la zone euro en décembre dernier, en compagnie des Polonais, ceux-ci ayant vocation à jouer un rôle important dans l’Europe de demain.« Le système que nous devons bâtir sera forcément complexe, car il faut trouver le moyen de discuter au niveau européen de compétences qui resteront nationales sans déposséder nos parlements nationaux », explique-t-on à l’Élysée. « Par exemple, le régime de retraite ne peut plus être décidé isolément, car il impacte toute la zone euro. Mais en même temps les parlements nationaux et les partenaires sociaux doivent, dans l’état actuel de l’Europe, restés maîtres des décisions à prendre… »
Dans la contribution franco-allemande, on cite d’ailleurs toute une série de compétences nationales qui devront être discutées en commun : marché du travail, y compris le salaire minimum (une sacrée concession allemande), chômage et inclusion sociale, retraite, fiscalité, efficacité du secteur public, éducation et formation professionnelle… L’articulation entre les niveaux européens et nationaux n’est donc pas évidente. En tout cas, il est clair que sur de telles questions, un contrôle démocratique est une absolue nécessité. Autrement dit, le gouvernement économique de la zone euro sera démocratique ou ne sera pas.
Côté exécutif, Berlin et Paris veulent qu’il y ait davantage de Conseils européens des chefs d’État et de gouvernement de la zone euro (Nicolas Sarkozy avait déjà obtenu qu’il y en ait deux au minimum) et que l’Eurogroupe se renforce : ils veulent nommer un président à plein temps et non plus, comme aujourd’hui, un ministre des finances en exercice, et ce, dès 2015. Pour l’instant il n’est pas exclu que ce président soit le commissaire chargé des affaires économiques et monétaires (mais cela pose un problème de séparation des pouvoirs, le président ne pouvant à la fois proposer en tant que commissaire et décider en tant que président de l’Eurogroupe) ou le président du Conseil européen (ce qui pose aussi un problème de confusion avec l’instance d’arbitrage politique). Mieux, afin de renforcer l’autonomie de la zone euro, l’Eurogroupe, comme le Conseil des ministres de l’Union, pourra se réunir dans différentes formations : ministres des Finances, des Affaires sociales, de la recherche, etc. Dans l’idée franco-allemande, toute cette architecture devra être prête avant les élections européennes afin de couper l’herbe sous les pieds des eurosceptiques.
À terme, ce seront donc deux Europe qui cohabiteront dans les instances communautaires actuelles. Ou plutôt, seuls la Grande-Bretagne, la Suède et le Danemark resteront durablement dans le second cercle, tous les autres pays ayant l’intention de rejoindre l’euro…

=Libération=


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