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quinta-feira, 2 de junho de 2011

En Syrie, «nous n’avons jamais vu une telle horreur»

Human Rights Watch a dénoncé hier la violence de la répression, seule réponse d’un régime acculé.

L’opposition syrienne avait besoin d’un symbole fort. Elle l’a trouvé avec la mort, sans doute sous la torture, du petit Hamzeh al-Khatib, 13 ans, dont les images du corps effroyablement supplicié circulent sur YouTube (Libération d’hier) et dont la photo est désormais brandie par les manifestants. La secrétaire d’Etat américaine, Hillary Clinton, a elle-même évoqué, hier, le décès du garçon : «Je peux seulement espérer que cet enfant n’est pas mort en vain.»

La vidéo montre le corps boursouflé d’un enfant avec des impacts de balles sur les bras, l’estomac, la poitrine et des contusions multiples sur le visage et les membres. Deux hommes, qui semblent examiner le corps, assurent que le sexe du garçon a été tranché, mais l’image a été floutée. Originaire d’un village près de Deraa, Hamzeh al-Khatib avait été arrêté le 21 avril et son corps n’a été rendu à sa famille que le 25 mai. Les autorités ont démenti tout acte de torture et les médias du régime qualifié de «mensonges fabriqués» les accusations de l’opposition. «Les soulèvements ont besoin de symboles, souligne de son côté Nadim Houry, un chercheur de Human Rights Watch (HRW), qui travaille depuis Beyrouth sur la Syrie. Ces cas individuels sont symptomatiques et représentent des centaines d’autres cas qui ne sont pas rapportés et sont juste épouvantables. […] Cela alerte sur le fait qu’il y a des centaines de personnes [arrêtées], voire davantage, dont le sort reste inconnu.»

«Tueries». Même dénonciation de l’Unicef, qui, dans un communiqué publié hier, a indiqué avoir des informations faisant état d’un nombre croissant de jeunes Syriens blessés, détenus, déplacés, torturés voire tués lors de la répression des manifestations antigouvernementales. Selon cette agence, «l’utilisation de balles réelles contre les manifestants a entraîné la mort d’au moins 30 enfants», a ajouté l’organisation, tout en reconnaissant son incapacité à vérifier les circonstances exactes de ces morts.

HRW est allé encore plus loin dans les accusations contre le régime dans un rapport publié hier sous le titre «Nous n’avons jamais vu une telle horreur». L’ONG, qui se fonde sur plus de 50 entretiens avec des victimes et des témoins d’abus, évoque «des tueries systématiques et des actes de torture par les forces de sécurité syriennes à Deraa depuis que les manifestations y ont commencé le 18 mars», précisant que «ceux-ci peuvent être qualifiés de crimes contre l’humanité».

Dans la plupart des cas, les tirs ont eu lieu sans sommation et provenaient des toits, provoquant des blessures, souvent mortelles, à la tête, au cou et à la poitrine. HRW a recueilli plusieurs témoignages selon lesquels ces forces de sécurité ont reçu de leurs commandants l’ordre de tirer pour tuer.

Parmi les massacres les plus importants, l’organisation évoque des tirs sur des manifestations d’habitants de villages voisins de Deraa venus tenter de mettre fin au siège de la ville en apportant de la nourriture et de l’eau. Entre les 25 et 29 avril, plus de 200 personnes auraient été tuées. «Depuis plus de deux mois, les autorités syriennes tuent et torturent leurs propres concitoyens dans la plus grande impunité», insiste Sarah Leah Whitson, responsable pour le Moyen-Orient de HRW, qui estime que le Conseil de sécurité devrait imposer des sanctions contre Damas et, si cela ne suffit pas, citer la Syrie devant la Cour pénale internationale.

Amnistie. Face à la montée des accusations et une opposition qui, en dépit de la sauvagerie de la répression, continue de le braver, le régime, pour la première fois, donne l’impression de se sentir menacé. D’où la multiplication des initiatives et des déclarations. Mardi, Bachar al-Assad avait promis une amnistie générale pour tous les prisonniers, confondant droits communs et politiques - plusieurs détenus politiques ont déjà été libérés. Hier, il a annoncé la création d’un organisme pour lancer le «dialogue national». «On sent que le régime est aux abois. Il justifie tout, même le lynchage des enfants. Il sent bien que la majorité silencieuse a commencé à le lâcher.

Même les acteurs, qui, ici, ont un rôle très important, prennent leurs distances», souligne un intellectuel syrien, qui a requis l’anonymat. Dans ce milieu, la populaire actrice May Skaf, s’est déclaré publiquement «citoyenne opposante», ce qui crée un précédent et a donc eu un effet dévastateur pour le régime (lire ci-contre).

Redoutable. Néanmoins, même fragilisé et même si on sent également percer ici et là ses divisions, le pouvoir syrien reste redoutable. Toutes les villes contrôlées un temps par les insurgés ont été reprises. Pour l’opposition, il ne reste que l’espoir d’une fragmentation de l’armée et qu’une partie se solidarise avec la révolte. «Mais l’armée, estime le même intellectuel, ça ne représente rien du tout. Le pouvoir militaire est entièrement entre les mains de la 4e Division [que dirige Maher al-Assad, le frère cadet du président]. On l’appelle division mais, en fait, c’est une véritable armée parallèle. Tous les officiers syriens tremblent devant le moindre petit gradé de cette unité.» Qu’est-ce qui pourrait dès lors faire chuter le régime ? «La situation économique. Le tourisme s’effondre. Les capitaux s’enfuient.»

Mais le régime a pour lui la chance d’avoir une opposition en exil divisée et peu aux prises avec la réalité du pays. Réunie depuis mardi à Antalya (Turquie), elle a réuni 300 personnes qui devraient mettre en place un comité de suivi pour coordonner l’action des opposants intérieurs et extérieurs.

(Liberation – 2/06/2011)

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