Depuis fin mars, un journaliste cyberdissident syrien vit incognito au Liban et change régulièrement de logis et de nom. Depuis Beyrouth, il organise, coordonne et médiatise les mouvements de protestation.
A l'époque, il travaillait donc à partir de Damas, jusqu'au jour où il s'est fait repérer ainsi que son collègue lors d'une manifestation organisée dans la capitale syrienne. Chahine sera plus chanceux que son ami qui, lui, sera arrêté par les services de renseignements. Notre militant sait désormais qu'il est traqué et décide de s'enfuir vers le Liban avant que son nom ne soit parvenu à la frontière. Sauf que le Liban est à peine un peu plus sûr que la Syrie pour un profil comme le sien. Il sait que le bras des moukhabarate [services de renseignements] est bien long et peut s'étendre jusqu'au pays du Cèdre, "où ses alliés sont nombreux", explique-t-il. "Il y a quelques jours, l'un de mes amis, qui venait d'Europe en visite au Liban, a été embarqué avec son ordinateur portable à Jounieh [ville côtière située à 16 km au nord de Beyrouth], à bord d'une Jeep noire aux vitres teintées, par des hommes qui semblaient être des services de renseignements libanais", confie le cyberdissident.
"Ils l'ont amené menotté, les yeux bandés, et l'ont interrogé sur ce qu'il pensait de ce qui se passait en Syrie. Six heures plus tard, ils lui ont fait comprendre qu'il lui était interdit d'entreprendre des activités de dissidence à partir du Liban. Ils l'ont relâché après l'avoir contraint à s'engager à ne pas changer de numéro de téléphone ni d'appartement, sinon il serait considéré comme un 'fugitif syrien'." Cela signifie bien entendu qu'il sera rapatrié et remis aux autorités syriennes, comme le prévoit l'accord de coopération en matière de sécurité et de défense signé entre les deux pays, explique Chahine. A son arrivée à Beyrouth, ce dernier a contacté "des amis journalistes très connus", mais ils lui ont assuré que sa présence à leurs côtés constituait un risque pour eux et pour lui. "J'ai fini par trouver un premier pied-à-terre chez des amis, qui m'ont prêté un ordinateur portable, et j'ai commencé le travail", dit-il. Le cyberdissident rassemble les informations au quotidien, les vérifie et prend contact avec les journalistes étrangers et arabes pour les mettre au courant de ce qui se passe.
"Je communique régulièrement avec des amis sur le terrain et avec les comités de coordination. Je gère notamment les informations qui me parviennent de plusieurs régions de Syrie et j'organise ce que font les jeunes là-bas en leur fournissant les données nécessaires. Nous véhiculons l'information à travers Skype, Facebook, par le biais de téléphones Thuraya [téléphonie mobile par satellite] ou de lignes normales lorsque c'est réalisable", explique-t-il. Vendredi et samedi sont, bien entendu, les journées les plus stressantes puisqu'il se trouve, même en étant à Beyrouth, au cœur de l'action qu'il gère à partir de son ordinateur. Rodé aux techniques journalistiques, Chahine passe la plus claire partie de son temps à s'assurer du bien-fondé des informations qui lui parviennent avant de les diffuser. Car, outre l'affrontement qu'elle mène contre la machine de répression, l'opposition syrienne entend également remporter la guerre de l'information qui l'oppose au régime en brandissant l'arme de la crédibilité médiatique.
(Enviado por umAmigo)
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