Le
président américain et le Premier ministre Britannique sont dans l'incertitude,
alors que l'accord respectif du Congrès et de la Chambre des Communes est
nécessaire pour décider d'une intervention militaire en Syrie de leur pays.
La Chambre des communes, convoquée jeudi en urgence, ne votera
finalement pas sur l’autorisation d’une intervention militaire, qui devrait
faire l’objet d’un deuxième vote ultérieurement, une fois connus les résultats
de l’enquête de l’ONU sur l’attaque présumée aux armes chimiques en Syrie.
Le Premier ministre
britannique David Cameron avait tenté mercredi de désamorcer les inquiétudes de
parlementaires encore hantés par la guerre en Irak, en s’engageant à attendre
le rapport des inspecteurs de l’ONU avant toute décision sur une action militaire
en Syrie.
De son côté, Barack
Obama a indiqué mercredi soir qu’il n’avait «pas encore pris de décision»,
alors que le Congrès le presse de s'exprimer publiquement sur ses intentions.
La perspective d’une intervention à très court terme semble
s’éloigner.
Boehner attaque
Après être resté en
retrait pendant plusieurs jours, le président républicain de la Chambre des
représentants américains, John Boehner, a appelé mercredi le président Barack
Obama à révéler publiquement ses projets de frappes militaires contre la Syrie. «Il est essentiel que vous fournissiez une explication
claire et sans ambiguïté sur la façon dont une action militaire, qui est un
moyen et non une politique, permettra d’atteindre les objectifs américains et
comment elle s’articule avec votre politique globale», écrit dans une lettre
ouverte John Boehner, l’homme le plus puissant du Congrès. «Je demande
respectueusement que vous défendiez personnellement, en tant que commandant en
chef, votre plan devant les Américains et le Congrès», ajoute-t-il,
en énumérant 14 questions.
«Quel résultat l’administration espère-t-elle obtenir?» demande-t-il ainsi. «Votre administration lancera-t-elle des
frappes si des armes chimiques sont utilisées à plus petite échelle?»
Au moment où l’élu rendait
publique sa lettre, le président américain Barack Obama affirmait à la
télévision publique PBS qu’il n’avait pas encore pris de décision mais qu’une
éventuelle intervention en Syrie viserait à dissuader le régime d’utiliser à
nouveau des armes chimiques.
Obama a besoin de l'aval du Congrès
Boehner veut aussi
savoir si le président a prévu le cas où des«organisations
terroristes» prendraient
l’ascendant sur le régime, ou celui d’une éventuelle implication «d’intérêts
russes ou iraniens.»
Selon lui, les contacts entre la Maison Blanche et les responsables des
commissions compétentes du Congrès, bien qu’appréciés, «n’ont pas
atteint le niveau d’une consultation substantielle.»
Un haut responsable de l’administration a indiqué mercredi soir
que les dirigeants du Congrès et les présidents de commissions se rendraient
jeudi à la Maison Blanche, à une heure non précisée, pour prendre connaissance
des éléments classés secrets recueillis par le renseignement américain sur
l’attaque chimique du 21 août.
Depuis la semaine dernière, la classe politique américaine a en
général redoublé de discrétion, à la faveur des congés d’été du Congrès : leur
retour à Washington n’est prévu que le 9 septembre.
Certains, comme le républicain John McCain, ont multiplié les
prises de parole pour pousser le président à bombarder la Syrie. Mais la
plupart des réactions oscillaient entre un soutien prudent et une critique du
processus de décision.
116 élus de la Chambre (sur 435), dont 18 démocrates, ont
signé une lettre commune à Barack Obama mercredi pour réclamer la convocation
du Congrès de façon à autoriser formellement des frappes contre la Syrie.
La loi américaine requiert en théorie une autorisation votée par
le Congrès pour tout déploiement durable de forces à l’étranger, mais les
présidents américains ont toujours estimé qu’en tant que commandants en chef,
ils disposaient du pouvoir constitutionnel de déclencher des opérations
militaires sans aval parlementaire.
Les frappes aériennes en Libye en mars 2011 avaient ainsi été
décidées par Barack Obama seul.
Cameron dans la tourmente
La motion publiée
mercredi qui sera soumise par David Cameron aux parlementaires, condamne «l’usage
d’armes chimiques en Syrie le 21 août 2013 par le régime de (Bachar al-)
Assad» et «convient qu’une réponse humanitaire forte est requise de la part de
la communauté internationale, impliquant si nécessaire une action militaire qui
soit légale, proportionnée et destinée à sauver des vies en empêchant tout
usage futur d’armes chimiques en Syrie.»
Le texte souligne
la nécessité, «en dépit des difficultés aux Nations unies,
de pousser le plus loin possible le processus aux Nations unies pour garantir
le maximum de légitimité à toute action.»
Le Royaume-Uni a présenté un projet de résolution à l’ONU
justifiant une action armée en Syrie, mais qui semble voué à l’échec en raison
des divergences entre d’un côté la Chine et la Russie et de l’autre les
Etats-Unis, le Royaume-Uni et la France.
«Nous sommes déterminés
à agir contre les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité -et c’est ce
que constitue l’usage d’armes chimiques- mais nous procèderons le plus possible
sur une base consensuelle», expliqué le
ministre des Affaires étrangères William Hague.
Mais l’engagement du gouvernement à ne pas lancer d’action
militaire avant d’avoir eu connaissance du rapport des inspecteurs de l’ONU
répond à des préoccupations exprimées plus tôt par le Labour.
Le parti d’opposition, qui compte 257 députés sur les 650 de la
Chambre des Communes, avait annoncé qu’il ne voterait pas en faveur de la
motion si une intervention militaire était envisagée avant la présentation des
résultats de l’enquête de l’ONU.
Outre l’opposition
travailliste, des parlementaires conservateurs avaient également mis en garde
le Premier ministre à propos d’une possible intervention en Syrie.
Le spectre de l'Irak plane encore
La députée tory
Sarah Wollaston s’était inquiétée d’un «grave risque d’escalade». Et son homologue Andrew
Bridgen d’avertir le Premier ministre contre une répétition des «erreurs
commises par le gouvernement travailliste» de Tony Blair quand il avait donné son
feu vert à l’intervention en Irak en 2003.
Washington et Londres avaient justifié cette opération militaire par la
prétendue présence dans ce pays d’armes de destruction massive mais aucun
matériel de ce type n’avait été découvert après le renversement de Saddam
Hussein. «Il n’y a pas de doute que l’expérience en Irak a augmenté le
niveau de scepticisme à la Chambre des Communes», a reconnu Jack Straw, député travailliste et ministre des
Affaires étrangères au moment de l’invasion en Irak.
Cameron, présenté à
la Une du journal The Independent comme«l’héritier
de Blair», doit aussi faire face à une opinion publique qui n’est
pas favorable à des «frappes de missiles en Syrie»:
seuls 25% des Britanniques les approuvent, selon un sondage réalisé par YouGov
et publié par le Sun mercredi.
Avant de s’adresser aux députés, David Cameron a réuni mercredi
un Conseil national de sécurité (NSC), regroupant les principaux membres du
gouvernement et les hauts responsables militaires britanniques.
Le Conseil «est convenu
à l’unanimité que l’usage d’armes chimiques par Assad était inacceptable, et
que le monde ne devait pas rester sans rien faire», a indiqué David
Cameron.
=Libération=
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