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sexta-feira, 13 de setembro de 2013

Politique étrangère de la France - Syrie ...

Mondialisation - Géopolitique - Climat - Union européenne - Intervention du ministre des affaires étrangères, M. Laurent Fabius à l'École des affaires internationales de Sciences-Po Paris - Propos liminaires 
Monsieur l'Administrateur, Monsieur le Directeur, Mesdames et Messieurs les Professeurs, Mesdames et Messieurs les Étudiantes et Étudiants de l'École des Affaires internationales, Mesdames et Messieurs,
Je remercie Ghassan Salamé de m'avoir invité pour la seconde année consécutive à ouvrir l'année universitaire de l'École des Affaires internationales de Sciences-Po. Je reviens toujours avec plaisir rue Saint Guillaume. Je suis inquiet car je ne sais si, à l'issue de mon intervention aujourd'hui, il sera question d'une troisième fois.
Si je reviens c'est aussi parce que je suis heureux de vous rencontrer et d'avoir l'occasion de répondre à vos questions. Pour laisser du temps à cet échange, je me limiterai dans ce propos introductif à quelques notations sur les enjeux internationaux actuels.
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J'interviens devant vous alors que la crise syrienne occupe le devant de l'actualité. J'imagine que vous souhaiterez m'interroger sur le sujet et je rappellerai juste, pour commencer, la position de la France.
Cette crise est une épouvantable tragédie : plus de 110.000 morts, 6 millions de personnes déplacées dont 2 millions de réfugiés hors de Syrie, et un pays dévasté. Personne ne peut rester indifférent, insensible. Ce conflit menace également l'ensemble de la région - Liban, Jordanie, Turquie notamment. Une déstabilisation du Moyen-Orient porterait pour nous, pour l'Europe et pour la planète des conséquences très graves.
C'est pourquoi la France est à l'initiative pour contribuer à une solution. Nous avons apporté notre soutien à l'opposition modérée. Nous avons fourni une aide humanitaire substantielle. Nous avons pris de nombreuses initiatives pour favoriser un processus politique de résolution du conflit. Mais nos moyens d'action sont malheureusement restés limités à cause notamment du blocage russo-chinois au Conseil de sécurité des Nations unies.
C'est dans ce contexte qu'est intervenue l'utilisation massive et avérée d'armes chimiques le 21 août par le régime de Bachar Al-Assad. Le régime n'a pas seulement franchi un nouveau seuil dans l'horreur ; il a également enfreint une règle fondamentale du droit international, qui remonte à 1925 : l'interdiction d'utiliser des armes chimiques. Ne pas réagir, cela signifierait adresser au régime syrien - et au-delà à tous les utilisateurs potentiels de ces armes - un message de faiblesse et d'impunité. Voilà pourquoi nous avons pris l'initiative d'une coalition internationale afin de répondre de manière ferme et proportionnée, non pour nous engager dans une aventure militaire, mais pour sanctionner et pour dissuader.
Cette fermeté réfléchie a commencé de porter ses fruits. La Russie, qui niait jusqu'alors l'existence même d'un problème avec l'arsenal chimique syrien, a fait lundi une proposition. C'est une voie qu'il faut explorer, mais qui ne doit pas servir d'échappatoire. C'est pourquoi, la France a pris l'initiative de proposer une résolution au Conseil de sécurité des Nations unies portant des mécanismes et des conditions précises en vue du désarmement chimique effectif de la Syrie. Nous voulons, avec nos partenaires américains et britanniques, à la fois négocier et fixer des conditions. Pour être acceptable par nous, la solution devra être rapide et vérifiable. C'est au respect de ces principes que nous jugerons de la crédibilité de la proposition faite, même si nous sommes évidemment ouverts à la discussion sur le détail.
La question chimique n'est cependant qu'un aspect du problème. Les massacres continuent en Syrie. D'où la nécessité de rester extrêmement mobilisés sur le plan humanitaire et de continuer de travailler à une solution politique. Pourquoi Bachar Al-Assad, conforté par l'utilisation de son arsenal chimique et l'absence de réaction du monde, accepterait-il des négociations ? Pour avancer vers une solution politique, il faut rester ferme. Nous devons et voulons avancer vers Genève 2.
Cette position, que je voulais rappeler en commençant, appelle deux remarques. La crise syrienne illustre tragiquement les insuffisances du système international, qui s'est avéré incapable d'apporter jusqu'ici collectivement une réponse face au carnage. Les organisations régionales et internationales - notamment l'ONU - sont restées paralysées. Nous aurons pour l'avenir à travailler pour améliorer ce système de gouvernance afin de gérer de telles crises.
Seconde leçon, liée à la première, nous vivons une période d'incertitude stratégique, caractérisée par une tentation de retrait de nombreux acteurs. Le Royaume-Uni et les États-Unis sont marqués par l'expérience irakienne. Les BRICS veulent jouer un rôle plus important dans les affaires du monde mais n'assument pas encore toutes les responsabilités qui correspondent à cette aspiration. L'Union européenne possède les capacités mais pas encore toujours la volonté de jouer son rôle. Il reste donc peu d'acteurs stratégiques globaux qui possèdent à la fois la volonté et la capacité d'agir pour la paix et la stabilité globale. La France en fait partie, comme elle l'a montré au Mali et aujourd'hui face à la crise syrienne. Mais nous n'avons évidemment ni la vocation ni les moyens d'agir seuls.
Pour décrire cette situation, j'ai parlé de monde a-polaire ou zéro-polaire. En effet, s'il n'est plus ni bipolaire ni unipolaire, il n'est pas (encore) multipolaire. Constitué d'acteurs nombreux, de taille et de nature diverse (étatiques et non étatiques), il se déploie sans que l'un de ces acteurs ou une régulation par plusieurs d'entre eux soit en mesure de décider de manière efficace et incontestée.
L'évolution souhaitable, qui ne sera ni simple ni rapide, consiste à avancer vers une multipolarité plus structurée. Comment et dans quel contexte devrons-nous agir en ce sens dans les 10 ans à venir ? Ce sera le sujet de mon intervention aujourd'hui. Dix ans, parce que le gouvernement réfléchit avec cet horizon en tête, horizon à la fois suffisamment long pour examiner les constantes et les changements à l'oeuvre et suffisamment court pour demeurer concret.
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À cet horizon de 10 ans, il est une certitude : nous aurons à faire face à de nombreux imprévus. On peut néanmoins anticiper quelques grandes tendances. Deux grandes séries de force continueront de se combiner pour façonner le monde.
D'un côté, ce que l'on peut appeler la logique de la mondialisation, dont les ressorts sont connus, continuera de produire ses effets. Le développement économique et commercial, la révolution des technologies de l'information et de la communication, les progrès des transports signifient et signifieront davantage d'interdépendance et une mutualisation des opportunités et des risques. Ces dynamiques stimulent la croissance de l'économie mondiale : le rattrapage du niveau de vie dans les pays en développement continuera avec l'émergence de classes moyennes dans de nombreux pays. Mais les revers sont aussi connus : insuffisances de la régulation, disparités de concurrence, inégalités entre les pays et à l'intérieur de ceux-ci, peurs que suscite, à tort ou à raison, cette lame de fond. Ces tendances lourdes sont appelées à se poursuivre même si de graves perturbations sont possibles. La mondialisation va susciter des évolutions sociales et idéologiques à mesure que, dans les pays émergents, s'élèvera le niveau de vie et d'éducation avec des aspirations au pluralisme politique et à la justice sociale, et que, dans certaines puissances établies, les populations seront gagnées par le sentiment du déclassement.
Mais à côté de cette logique de la mondialisation, il ne faut pas oublier celle que j'appelle la logique de la géopolitique. Les politiques de puissance n'ont en effet pas été effacées par la mondialisation ; le jeu des rapports de force entre États n'a pas disparu, au contraire. Ses déterminants sont les facteurs naturels, la population, la géographie. Ses caractéristiques sont la prééminence du rôle des États, la territorialisation des enjeux et des crises, le retour au premier plan de la question des ressources stratégiques (énergie, eau), les politiques d'affirmation de puissance, la résurgence des nationalismes. De multiples exemples illustrent cette logique géopolitique : l'utilisation de l'arme énergétique par la Russie ; les besoins en ressources naturelles de la Chine et de l'Inde ; la montée en puissance de l'Iran et son impact sur les équilibres dans le Golfe et au-delà. Des crises traditionnelles perdurent malheureusement, notamment le conflit israélo-palestinien, et se développent en des conflictualités internes, politiques, religieuses et tribales, notamment au Sahel et au Moyen-Orient.
La manière dont interagiront ces deux logiques sera déterminée par un certain nombre de paramètres. Le premier est le paramètre démographique. En 2023, la population mondiale aura augmenté de 20 % pour compter 8 milliards d'habitants, surtout en Asie (60 % du total) et en Afrique (près de 2 milliards). L'Europe n'en rassemblera plus que 6 % et la France 0,85 %. Certains pays auront vieilli (la Chine, le Japon, la Russie, une bonne partie des pays européens), d'autres resteront jeunes (États-Unis, Inde, Moyen-Orient), et même très jeunes (l'Afrique sub-saharienne), avec notamment des effets sur les flux migratoires. Sur le plan démographique, la France, compte tenu de sa fécondité, occupera une position favorable parmi les pays européens.
Autre paramètre essentiel, mais plus incertain, le poids relatif des économies. Il est probable que la Chine talonnera, voire dépassera à cette date les États-Unis pour devenir la première économie mondiale, même si ceux-ci conservent une avance technologique. Les pays émergents continueront de se développer, ils buteront pour autant sur des difficultés structurelles - l'insuffisance de l'État de droit, les inégalités, la dépendance aux matières premières, la dégradation de l'environnement. Des accidents de parcours ne sont pas à exclure. Les situations de l'Europe et de la France pour ce qui les concerne seront liées aux réorientations qui auront été opérées d'ici là et du succès des mesures engagées. Du fait de l'ascension du Brésil et de l'Inde, l'économie française devrait donc passer du 5ème au 7ème rang mondial.
Sur le plan stratégique, la puissance militaire américaine conservera son leadership mais de manière relative alors que se développeront de nouveaux types d'armes - drones, armes d'extrême précision, défenses antimissiles, cyber-défense... La relation sino-américaine structurera de plus en plus les relations internationales, prenant un tour coopératif ou compétitif, plus vraisemblablement les deux. Selon que les crises actuelles de prolifération nucléaire, en particulier en Iran, auront été enrayées ou non, la prolifération sera contenue ou au contraire risquera de s'étendre. Des foyers d'instabilité liés au terrorisme et à la criminalité organisée sont à redouter, menaçant des régions voire des pays entiers, particulièrement sur le continent africain, au Proche et au Moyen-Orient.
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Ces diverses évolutions dessineront une nouvelle carte du monde, dont nous pouvons d'ores et déjà considérer qu'elle comportera trois grands ensembles :
À l'est, une Asie pluripolaire. La Chine sera le pays le plus puissant, mais le Japon, l'Inde, la Corée du Sud, d'autres pays au potentiel immense comme l'Indonésie, constitueront eux-aussi des centres économiques, technologiques et financiers de premier plan. De nombreuses incertitudes se profilent notamment liées à ces concurrences régionales : Chine-Japon, Chine-Inde, Afghanistan et ses voisins... La croissance de la Chine a commencé à ralentir et se pose la question de la capacité du régime chinois à s'adapter aux attentes de sa population. La montée en puissance de la Chine, qui paraît irrésistible, dépend et dépendra en fait de ses évolutions intérieures à venir.
À l'ouest, l'Amérique sera de plus en plus latine : par la croissance démographique de l'Amérique latine, mais aussi par le dynamisme de la population hispanique aux États-Unis. Les États-Unis oscilleront sans doute entre interventionnisme et retrait, source d'incertitude stratégique pour l'ensemble des acteurs.
Autour de nous, l'ensemble euro-méditerranéen-africain risque de concentrer les vulnérabilités et les incertitudes : celle de la construction européenne, celle - d'une tout autre nature - du Proche et du Moyen-Orient, celle de l'Afrique. Le monde arabe et, plus largement, musulman, représentera la principale inconnue. Il sera partagé entre des tendances émancipatrices - l'alphabétisation et l'éducation supérieure, la réduction de la fécondité, les aspirations démocratiques - et des tendances répressives avec le rôle potentiellement croissant des forces armées d'un côté et des activistes islamistes de l'autre. Le règlement du conflit israélo-palestinien contribuera - ou non - à conjurer le choc détestable mais toujours possible entre Islam et Occident, rendu lui-même plus complexe par les oppositions entre chiites et sunnites et leurs conséquences sur l'ensemble de la région.
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Dans cet univers transformé, quelle sera alors la place de la France ? Dans le monde et aux yeux du monde, elle maintiendra, je crois, beaucoup de ses fondamentaux. Elle sera toujours un membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies, doté d'une capacité de projection militaire et de l'arme nucléaire ; toujours, avec l'Allemagne, un moteur économique et politique de l'Europe ; toujours le berceau d'entreprises mondiales ; toujours une des premières destinations touristiques internationales, avec des dizaines de millions de visiteurs qui regardent la France comme «un des plus beaux pays du monde» ; toujours une nation technologiquement avancée, porteuse d'une grande histoire, d'une haute culture et qui défend les droits de l'Homme ; toujours un pilier de la francophonie, disposant d'une véritable diaspora dont le nombre aura augmenté ; toujours le principal partenaire du Maghreb et un partenaire, espérons-le, croissant - nous y travaillons - de l'Asie, de l'Europe orientale et de l'Amérique latine.
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Mesdames et Messieurs,
Avec cette nouvelle géographie de la puissance, l'organisation du système global connaîtra probablement assez peu d'évolutions majeures à court ou moyen terme. Notre monde est et restera pour les années à venir - je l'ai dit - a-polaire ou zéro-polaire plutôt que multipolaire, même si c'est vers cette multipolarité organisée que nous voulons aller. Nous serons donc dans le siècle de la puissance relative.
Le scénario d'évolution le plus crédible est celui d'une extrapolation des tendances actuelles. Les grands acteurs resteront probablement engagés dans le système multilatéral, mais celui-ci risque d'être entravé par les concurrences multiples et les jeux de puissance entre anciens et nouveaux acteurs ainsi qu'au sein-même du monde émergent. Sous la pression notamment des opinions publiques, il tentera de s'adapter pour apporter des réponses aux multiples défis - prolifération, terrorisme, pandémies, environnement... De manière pragmatique, des enceintes ou des coalitions ad hoc verront sans doute le jour. S'affirmera, je pense, un multilatéralisme à la carte, une sorte de «multi-multilatéralisme complexe», garant d'une certaine efficacité, mais pas exempt de blocages possibles, dans lequel l'ONU et des organisations spécialisées mondiales ou régionales interviendront en fonction des sujets.
C'est dans ce contexte que nous devrons avancer pour apporter des réponses aux nombreux défis qui se posent et se poseront à nous.
Les enjeux liés à la logique de la géopolitique resteront majeurs. La réduction tendancielle de l'engagement américain et l'accroissement des dépenses d'armement dans de nombreux pays, en particulier en Asie, accroissent les incertitudes. L'Iran et le Pakistan pourraient être des facteurs de risque au moins en début de période. Le risque de la prolifération nucléaire restera élevé, de même que les autres formes de prolifération chimique et bactériologique. Il faudra chercher à éviter un dérapage en Asie de l'Est, alors que la Chine teste ses voisins et le comportement américain. Le phénomène le plus nouveau est l'ampleur que pourrait prendre la cybermenace qui concentrera de plus en plus de moyens en réponse. Les autres menaces, asymétriques ou transversales - les collusions entre terrorisme et trafics en particulier -, devraient malheureusement perdurer. La faiblesse des États, notamment en Afrique, restera une menace pour la stabilité du continent, à laquelle nous tenterons de contribuer à apporter des réponses. C'est le sens par exemple du sommet Afrique-France que nous organisons à Paris en décembre prochain pour aider les Africains à prendre en main la sécurité de leur continent.
Les évolutions politiques et sociales de nombreux pays continueront de poser la question de notre capacité à intervenir en réponse à des crises internes, notamment pour mettre en oeuvre la fameuse responsabilité de protéger. Les mouvements démocratiques à l'oeuvre traduisent une soif de liberté, de dignité et de changement qui peut être aussi - on le constate - source d'incertitudes et de violences. Les difficultés à trouver une formule de gouvernement satisfaisante après des décennies d'autoritarisme et une réponse aux attentes économiques et sociales dans ces pays font courir le risque d'une instabilité chronique. Les démocraties garderont une responsabilité particulière face à ces transformations. Des forces puissantes se sont libérées, il serait vain d'imaginer qu'on puisse les contrôler. Il nous faut à cet égard rappeler systématiquement le caractère incontournable des processus politiques civils, la recherche de gouvernements inclusifs, l'apprentissage du respect des droits individuels, des droits des femmes, de la séparation de la sphère publique et de la sphère privée.
En parallèle de ces enjeux politiques et sécuritaires, la logique de la mondialisation, comme je l'ai déjà évoqué, apportera également des incertitudes. Un des défis majeurs consistera à avancer vers un système de régulation économique reposant sur des institutions et des normes mieux respectées afin de remédier aux grands désordres actuels : déséquilibres monétaires, crises financières cycliques, commerce souvent inéquitable, dumping social et environnemental et souvent chômage de masse.
Avec 1,3 milliard d'individus vivant sous le seuil de pauvreté, l'éradication de la pauvreté constituera un autre grand enjeu des prochaines années. Cela supposera une croissance économique soutenue, un partage plus équitable des fruits de cette croissance et un modèle de développement durable.
En outre, sans changement de fond, les crises à venir auront de plus en plus pour origine la lutte pour l'accès aux ressources énergétiques, minérales et hydriques et les pressions seront très fortes sur l'environnement et les ressources : climat, biodiversité, eau, alimentation.
Les prévisions les plus récentes sur le réchauffement climatique sont catastrophiques. Nous devrons nous donner les moyens de contenir la hausse des températures à moins de deux degrés, disposer des financements (innovants) pour procéder aux investissements nécessaires et mettre en place les structures de régulation adéquates. Ce sera un des principaux défis de la période et singulièrement de la conférence, présidée par la France, «Paris Climat 2015» sur le changement climatique. La question environnementale occupera donc une place de plus en plus centrale.
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Mesdames et Messieurs,
La France, puissance d'influence, prendra toute sa part aux efforts pour répondre à ces défis. L'Europe devra aussi y contribuer, ce qui implique une Union jouant son rôle de stabilisateur et de multiplicateur de puissance.
Les prochaines années seront décisives pour l'avenir de l'Union. Celle-ci devra résoudre la crise de gestion et de projet qui la mine et répondre à la désaffection de beaucoup de nos concitoyens, qui attendent de l'Union - mais sont déçus - davantage d'emplois, davantage de sécurité au sens large et une vie meilleure. Il faudra, j'ai employé cette formule récemment, «redonner le goût de l'Europe».
Pour y parvenir, il faudra à la fois relancer et réorienter l'Europe en répondant à de nombreuses questions. J'en cite quelques-unes. Comment marier durablement le sérieux budgétaire et la croissance pour faire reculer le chômage, en particulier celui des jeunes ? Quelles compétences mettre en commun ? Quelle articulation trouver entre les États membres disposés à avancer ensemble vers davantage d'intégration (zone euro) et ceux qui veulent s'en tenir aux mécanismes actuels, voire même revenir en arrière ? Comment faire évoluer le système alors qu'il est de plus en plus difficile de réviser les traités à 28 États membres ? Quelle place pour la démocratie et pour les institutions nationales dans l'intégration européenne ?
L'urgence sera évidemment économique, avec comme priorité le renforcement de l'Union économique et monétaire. Nous devrons dans un premier temps avancer autant que possible à traité constant, en examinant s'il le faut les formules intergouvernementales. Un recours plus fréquent à la différenciation sera nécessaire. C'est le sens de notre projet d'«Europe différenciée», articulé avec celui d'«Europe solidaire» qui lui est complémentaire. Pour cela, j'ai récemment, à la suite du président de la République, évoqué nos propositions autour de quatre thèmes que je veux reprendre en quelques mots : simplifier, protéger, avancer, contrôler.
Pour mieux répondre aux attentes des Européens, l'Europe devra être plus lisible et plus proche des citoyens. Pour réussir cette simplification, l'administration devra mieux respecter la subsidiarité, le déclenchement des coopérations renforcées entre États devra être facilité, une présidence stabilisée de l'Eurogroupe être mise en place au service d'un véritable gouvernement économique de la zone euro, lisible et crédible. La fonction de protection de l'Union sera consolidée : protection de l'ensemble de l'Union lors des négociations commerciales internationales ; protection des travailleurs en mettant l'accent sur la dimension sociale de l'Europe. L'Union devra réaliser aussi des avancées dans le contenu de ses politiques : politique énergétique, industrielle et environnementale ; développement du numérique ; politique de la concurrence, qu'il faudra apprécier à l'échelle mondiale plutôt qu'intra européenne ; éducation et recherche ; union bancaire et lutte contre l'évasion fiscale ; politique de défense. Enfin, la France proposera de faciliter un meilleur contrôle démocratique de l'Union, qu'il s'agisse du Parlement européen ou des parlements nationaux : leurs pouvoirs d'initiative et de contrôle devront être accrus, ainsi que le dialogue avec les partenaires sociaux.
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Mesdames et Messieurs,
Le monde de 2025 sera donc celui d'une nouvelle géographie de la puissance, dans lequel l'Asie et les émergents auront pris un poids croissant. Pour autant, les fondamentaux que nous observons aujourd'hui auront probablement peu changé : le monde sera toujours une arène où les États défendront leurs intérêts sur la base de rapports de force plus ou moins régulés par des instances internationales aux moyens limités.
Dans ce monde, la France, je l'ai dit, restera un acteur global. À condition que nous parvenions à reconquérir nos marges de manoeuvre économiques et financières, nous pourrons demeurer ce qui fait aujourd'hui notre spécificité : une «puissance d'influence». La France bénéficie, quoi qu'on dise, d'un État qui fonctionne, d'un statut international incontesté et d'atouts pour relever chacun des défis de la période. Qu'il s'agisse de notre indépendance en matière de politique extérieure, de notre attachement aux droits de l'Homme, de notre implication dans la construction européenne, ou encore de nos efforts dans le domaine de la régulation mondiale ou du réchauffement climatique, nos choix sont, je le crois, validés par l'histoire.
Face à ces enjeux, la France restera fidèle à ces choix. C'est notre intérêt et c'est notre vocation de «puissance repère», qui sait aussi s'exprimer et agir au nom d'une approche plus large, dans le sens de ce que l'on peut appeler l'intérêt général de la planète. Merci./.
L.A.V.

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