Mondialisation - Géopolitique - Climat - Union
européenne - Intervention du ministre des affaires étrangères, M. Laurent
Fabius à l'École des affaires internationales de Sciences-Po Paris - Propos
liminaires
Monsieur
l'Administrateur, Monsieur le Directeur, Mesdames et Messieurs les Professeurs,
Mesdames et Messieurs les Étudiantes et Étudiants de l'École des Affaires
internationales, Mesdames et Messieurs,
Je remercie
Ghassan Salamé de m'avoir invité pour la seconde année consécutive à ouvrir
l'année universitaire de l'École des Affaires internationales de Sciences-Po. Je reviens toujours avec
plaisir rue Saint Guillaume. Je suis inquiet car je ne sais si, à l'issue de
mon intervention aujourd'hui, il sera question d'une troisième fois.
Si je reviens
c'est aussi parce que je suis heureux de vous rencontrer et d'avoir l'occasion
de répondre à vos questions. Pour laisser du temps à cet échange, je me
limiterai dans ce propos introductif à quelques notations sur les enjeux
internationaux actuels.
* *
J'interviens
devant vous alors que la crise syrienne occupe le devant de l'actualité.
J'imagine que vous souhaiterez m'interroger sur le sujet et je rappellerai juste,
pour commencer, la position de la France.
Cette crise est
une épouvantable tragédie : plus de 110.000 morts, 6 millions de personnes
déplacées dont 2 millions de réfugiés hors de Syrie, et un pays dévasté. Personne ne peut rester
indifférent, insensible. Ce conflit menace également l'ensemble de la région -
Liban, Jordanie, Turquie notamment. Une déstabilisation du Moyen-Orient
porterait pour nous, pour l'Europe et pour la planète des conséquences très
graves.
C'est pourquoi la France est à l'initiative pour
contribuer à une solution. Nous avons apporté notre soutien à l'opposition
modérée. Nous avons fourni une aide humanitaire substantielle. Nous avons pris
de nombreuses initiatives pour favoriser un processus politique de résolution
du conflit. Mais nos moyens d'action sont malheureusement restés limités à
cause notamment du blocage russo-chinois au Conseil de sécurité des Nations
unies.
C'est dans ce contexte qu'est intervenue l'utilisation
massive et avérée d'armes chimiques le 21 août par le régime de Bachar
Al-Assad. Le régime n'a pas seulement franchi un nouveau seuil dans l'horreur ;
il a également enfreint une règle fondamentale du droit international, qui
remonte à 1925 : l'interdiction d'utiliser des armes chimiques. Ne pas réagir, cela signifierait adresser au régime
syrien - et au-delà à tous les utilisateurs potentiels de ces armes - un
message de faiblesse et d'impunité. Voilà pourquoi nous avons pris l'initiative d'une
coalition internationale afin de répondre de manière ferme et proportionnée,
non pour nous engager dans une aventure militaire, mais pour sanctionner et
pour dissuader.
Cette fermeté
réfléchie a commencé de porter ses fruits. La Russie, qui niait jusqu'alors l'existence même d'un
problème avec l'arsenal chimique syrien, a fait lundi une proposition. C'est
une voie qu'il faut explorer, mais qui ne doit pas servir d'échappatoire. C'est
pourquoi, la France a pris l'initiative de proposer une résolution au Conseil
de sécurité des Nations unies portant des mécanismes et des conditions précises
en vue du désarmement chimique effectif de la Syrie. Nous voulons, avec nos partenaires américains et
britanniques, à la fois négocier et fixer des conditions. Pour être acceptable par nous,
la solution devra être rapide et vérifiable. C'est au respect
de ces principes que nous jugerons de la crédibilité de la proposition faite,
même si nous sommes évidemment ouverts à la discussion sur le détail.
La question chimique n'est cependant qu'un aspect du
problème. Les massacres continuent en Syrie. D'où la
nécessité de rester extrêmement mobilisés sur le plan humanitaire et de
continuer de travailler à une solution politique. Pourquoi Bachar Al-Assad,
conforté par l'utilisation de son arsenal chimique et l'absence de réaction du
monde, accepterait-il des négociations ? Pour avancer vers une solution politique, il faut
rester ferme. Nous devons et voulons avancer vers Genève 2.
Cette position, que je voulais rappeler en commençant,
appelle deux remarques. La crise syrienne illustre tragiquement les insuffisances
du système international, qui s'est avéré incapable d'apporter jusqu'ici
collectivement une réponse face au carnage. Les organisations régionales et
internationales - notamment l'ONU - sont restées paralysées. Nous aurons pour
l'avenir à travailler pour améliorer ce système de gouvernance afin de gérer de
telles crises.
Seconde leçon,
liée à la première, nous vivons une période d'incertitude stratégique,
caractérisée par une tentation de retrait de nombreux acteurs. Le Royaume-Uni
et les États-Unis sont marqués par l'expérience irakienne. Les BRICS veulent
jouer un rôle plus important dans les affaires du monde mais n'assument pas
encore toutes les responsabilités qui correspondent à cette aspiration. L'Union
européenne possède les capacités mais pas encore toujours la volonté de jouer
son rôle. Il reste donc peu d'acteurs stratégiques globaux qui possèdent à la
fois la volonté et la capacité d'agir pour la paix et la stabilité globale. La
France en fait partie, comme elle l'a montré au Mali et aujourd'hui face à la
crise syrienne. Mais nous n'avons évidemment ni la vocation ni les moyens
d'agir seuls.
Pour décrire
cette situation, j'ai parlé de monde a-polaire ou zéro-polaire. En effet, s'il n'est plus ni
bipolaire ni unipolaire, il n'est pas (encore) multipolaire. Constitué d'acteurs nombreux, de taille et de nature
diverse (étatiques et non étatiques), il se déploie sans que l'un de ces
acteurs ou une régulation par plusieurs d'entre eux soit en mesure de décider
de manière efficace et incontestée.
L'évolution
souhaitable, qui ne sera ni simple ni rapide, consiste à avancer vers une
multipolarité plus structurée. Comment et dans quel contexte devrons-nous agir
en ce sens dans les 10 ans à venir ? Ce sera le sujet de mon intervention aujourd'hui. Dix ans,
parce que le gouvernement réfléchit avec cet horizon en tête, horizon à la fois
suffisamment long pour examiner les constantes et les changements à l'oeuvre et
suffisamment court pour demeurer concret.
* *
À cet horizon
de 10 ans, il est une certitude : nous aurons à faire face à de nombreux
imprévus. On peut néanmoins anticiper quelques grandes tendances. Deux grandes
séries de force continueront de se combiner pour façonner le monde.
D'un côté, ce
que l'on peut appeler la logique de la mondialisation, dont les ressorts sont
connus, continuera de produire ses effets. Le développement économique et commercial, la
révolution des technologies de l'information et de la communication, les
progrès des transports signifient et signifieront davantage d'interdépendance
et une mutualisation des opportunités et des risques. Ces dynamiques stimulent
la croissance de l'économie mondiale : le rattrapage du niveau de vie dans les
pays en développement continuera avec l'émergence de classes moyennes dans de
nombreux pays. Mais les revers
sont aussi connus : insuffisances de la régulation, disparités de concurrence,
inégalités entre les pays et à l'intérieur de ceux-ci, peurs que suscite, à
tort ou à raison, cette lame de fond. Ces tendances lourdes sont appelées à se
poursuivre même si de graves perturbations sont possibles. La mondialisation va
susciter des évolutions sociales et idéologiques à mesure que, dans les pays
émergents, s'élèvera le niveau de vie et d'éducation avec des aspirations au
pluralisme politique et à la justice sociale, et que, dans certaines puissances
établies, les populations seront gagnées par le sentiment du déclassement.
Mais à côté de
cette logique de la mondialisation, il ne faut pas oublier celle que j'appelle
la logique de la géopolitique. Les politiques de puissance n'ont en effet pas
été effacées par la mondialisation ; le jeu des rapports de force entre États
n'a pas disparu, au contraire. Ses déterminants sont les facteurs naturels, la population, la géographie.
Ses caractéristiques sont la prééminence du rôle des États, la
territorialisation des enjeux et des crises, le retour au premier plan de la
question des ressources stratégiques (énergie, eau), les politiques
d'affirmation de puissance, la résurgence des nationalismes. De multiples
exemples illustrent cette logique géopolitique : l'utilisation de l'arme
énergétique par la Russie ; les besoins en ressources naturelles de la Chine et
de l'Inde ; la montée en puissance de l'Iran et son impact sur les équilibres
dans le Golfe et au-delà. Des crises traditionnelles perdurent malheureusement,
notamment le conflit israélo-palestinien, et se développent en des
conflictualités internes, politiques, religieuses et tribales, notamment au
Sahel et au Moyen-Orient.
La manière dont
interagiront ces deux logiques sera déterminée par un certain nombre de
paramètres. Le premier est le paramètre démographique. En 2023, la population
mondiale aura augmenté de 20 % pour compter 8 milliards d'habitants, surtout en
Asie (60 % du total) et en Afrique (près de 2 milliards). L'Europe n'en
rassemblera plus que 6 % et la France 0,85 %. Certains pays auront vieilli (la
Chine, le Japon, la Russie, une bonne partie des pays européens), d'autres
resteront jeunes (États-Unis, Inde, Moyen-Orient), et même très jeunes (l'Afrique
sub-saharienne), avec notamment des effets sur les flux migratoires. Sur le
plan démographique, la France, compte tenu de sa fécondité, occupera une
position favorable parmi les pays européens.
Autre paramètre
essentiel, mais plus incertain, le poids relatif des économies. Il est probable
que la Chine talonnera, voire dépassera à cette date les États-Unis pour
devenir la première économie mondiale, même si ceux-ci conservent une avance
technologique. Les pays émergents continueront de se développer, ils buteront
pour autant sur des difficultés structurelles - l'insuffisance de l'État de
droit, les inégalités, la dépendance aux matières premières, la dégradation de
l'environnement. Des accidents de parcours ne sont pas à exclure. Les
situations de l'Europe et de la France pour ce qui les concerne seront liées
aux réorientations qui auront été opérées d'ici là et du succès des mesures
engagées. Du fait de l'ascension du Brésil et de l'Inde, l'économie française
devrait donc passer du 5ème au 7ème rang mondial.
Sur le plan
stratégique, la puissance militaire américaine conservera son leadership mais
de manière relative alors que se développeront de nouveaux types d'armes -
drones, armes d'extrême précision, défenses antimissiles, cyber-défense... La relation sino-américaine
structurera de plus en plus les relations internationales, prenant un tour
coopératif ou compétitif, plus vraisemblablement les deux. Selon que les crises actuelles de prolifération
nucléaire, en particulier en Iran, auront été enrayées ou non, la prolifération
sera contenue ou au contraire risquera de s'étendre. Des foyers d'instabilité
liés au terrorisme et à la criminalité organisée sont à redouter, menaçant des
régions voire des pays entiers, particulièrement sur le continent africain, au
Proche et au Moyen-Orient.
*
Ces diverses
évolutions dessineront une nouvelle carte du monde, dont nous pouvons d'ores et
déjà considérer qu'elle comportera trois grands ensembles :
À l'est, une
Asie pluripolaire. La Chine sera le pays le plus puissant, mais le Japon,
l'Inde, la Corée du Sud, d'autres pays au potentiel immense comme l'Indonésie,
constitueront eux-aussi des centres économiques, technologiques et financiers
de premier plan. De nombreuses incertitudes se profilent notamment liées à ces
concurrences régionales : Chine-Japon, Chine-Inde, Afghanistan et ses
voisins... La croissance de la Chine a commencé à ralentir et se pose la
question de la capacité du régime chinois à s'adapter aux attentes de sa
population. La montée en puissance de la Chine, qui paraît irrésistible, dépend
et dépendra en fait de ses évolutions intérieures à venir.
À l'ouest,
l'Amérique sera de plus en plus latine : par la croissance démographique de
l'Amérique latine, mais aussi par le dynamisme de la population hispanique aux
États-Unis. Les États-Unis oscilleront sans doute entre interventionnisme et
retrait, source d'incertitude stratégique pour l'ensemble des acteurs.
Autour de nous,
l'ensemble euro-méditerranéen-africain risque de concentrer les vulnérabilités
et les incertitudes : celle de la construction européenne, celle - d'une tout
autre nature - du Proche et du Moyen-Orient, celle de l'Afrique. Le monde arabe
et, plus largement, musulman, représentera la principale inconnue. Il sera
partagé entre des tendances émancipatrices - l'alphabétisation et l'éducation
supérieure, la réduction de la fécondité, les aspirations démocratiques - et
des tendances répressives avec le rôle potentiellement croissant des forces
armées d'un côté et des activistes islamistes de l'autre. Le règlement du
conflit israélo-palestinien contribuera - ou non - à conjurer le choc
détestable mais toujours possible entre Islam et Occident, rendu lui-même plus
complexe par les oppositions entre chiites et sunnites et leurs conséquences
sur l'ensemble de la région.
*
Dans cet
univers transformé, quelle sera alors la place de la France ? Dans le monde et
aux yeux du monde, elle maintiendra, je crois, beaucoup de ses fondamentaux.
Elle sera toujours un membre permanent du Conseil de sécurité des Nations
unies, doté d'une capacité de projection militaire et de l'arme nucléaire ;
toujours, avec l'Allemagne, un moteur économique et politique de l'Europe ;
toujours le berceau d'entreprises mondiales ; toujours une des premières
destinations touristiques internationales, avec des dizaines de millions de
visiteurs qui regardent la France comme «un des plus beaux pays du monde» ;
toujours une nation technologiquement avancée, porteuse d'une grande histoire,
d'une haute culture et qui défend les droits de l'Homme ; toujours un pilier de
la francophonie, disposant d'une véritable diaspora dont le nombre aura
augmenté ; toujours le principal partenaire du Maghreb et un partenaire,
espérons-le, croissant - nous y travaillons - de l'Asie, de l'Europe orientale et
de l'Amérique latine.
* *
Mesdames et Messieurs,
Avec cette nouvelle géographie de la puissance,
l'organisation du système global connaîtra probablement assez peu d'évolutions
majeures à court ou moyen terme. Notre monde est
et restera pour les années à venir - je l'ai dit - a-polaire ou zéro-polaire
plutôt que multipolaire, même si c'est vers cette multipolarité organisée que
nous voulons aller. Nous serons donc dans le siècle de la puissance relative.
Le scénario d'évolution le plus crédible est celui
d'une extrapolation des tendances actuelles. Les grands
acteurs resteront probablement engagés dans le système multilatéral, mais
celui-ci risque d'être entravé par les concurrences multiples et les jeux de
puissance entre anciens et nouveaux acteurs ainsi qu'au sein-même du monde
émergent. Sous la pression notamment des opinions publiques, il tentera de
s'adapter pour apporter des réponses aux multiples défis - prolifération,
terrorisme, pandémies, environnement... De manière pragmatique, des enceintes
ou des coalitions ad hoc verront sans doute le jour. S'affirmera, je pense, un
multilatéralisme à la carte, une sorte de «multi-multilatéralisme complexe»,
garant d'une certaine efficacité, mais pas exempt de blocages possibles, dans
lequel l'ONU et des organisations spécialisées mondiales ou régionales interviendront
en fonction des sujets.
C'est dans ce
contexte que nous devrons avancer pour apporter des réponses aux nombreux défis
qui se posent et se poseront à nous.
Les enjeux liés
à la logique de la géopolitique resteront majeurs. La réduction tendancielle de
l'engagement américain et l'accroissement des dépenses d'armement dans de
nombreux pays, en particulier en Asie, accroissent les incertitudes. L'Iran et le Pakistan pourraient être des facteurs de
risque au moins en début de période. Le risque de la prolifération nucléaire
restera élevé, de même que les autres formes de prolifération chimique et
bactériologique. Il faudra chercher à éviter un dérapage en Asie de l'Est,
alors que la Chine teste ses voisins et le comportement américain. Le phénomène
le plus nouveau est l'ampleur que pourrait prendre la cybermenace qui
concentrera de plus en plus de moyens en réponse. Les autres menaces,
asymétriques ou transversales - les collusions entre terrorisme et trafics en
particulier -, devraient malheureusement perdurer. La faiblesse des États,
notamment en Afrique, restera une menace pour la stabilité du continent, à
laquelle nous tenterons de contribuer à apporter des réponses. C'est le sens
par exemple du sommet Afrique-France que nous organisons à Paris en décembre
prochain pour aider les Africains à prendre en main la sécurité de leur
continent.
Les évolutions
politiques et sociales de nombreux pays continueront de poser la question de
notre capacité à intervenir en réponse à des crises internes, notamment pour
mettre en oeuvre la fameuse responsabilité de protéger. Les mouvements
démocratiques à l'oeuvre traduisent une soif de liberté, de dignité et de
changement qui peut être aussi - on le constate - source d'incertitudes et de
violences. Les difficultés à trouver une formule de gouvernement satisfaisante
après des décennies d'autoritarisme et une réponse aux attentes économiques et
sociales dans ces pays font courir le risque d'une instabilité chronique. Les
démocraties garderont une responsabilité particulière face à ces
transformations. Des forces puissantes se sont libérées, il serait vain
d'imaginer qu'on puisse les contrôler. Il nous faut à cet égard rappeler
systématiquement le caractère incontournable des processus politiques civils,
la recherche de gouvernements inclusifs, l'apprentissage du respect des droits
individuels, des droits des femmes, de la séparation de la sphère publique et
de la sphère privée.
En parallèle de
ces enjeux politiques et sécuritaires, la logique de la mondialisation, comme
je l'ai déjà évoqué, apportera également des incertitudes. Un des défis majeurs
consistera à avancer vers un système de régulation économique reposant sur des
institutions et des normes mieux respectées afin de remédier aux grands
désordres actuels : déséquilibres monétaires, crises financières cycliques,
commerce souvent inéquitable, dumping social et environnemental et souvent
chômage de masse.
Avec 1,3
milliard d'individus vivant sous le seuil de pauvreté, l'éradication de la
pauvreté constituera un autre grand enjeu des prochaines années. Cela supposera une croissance
économique soutenue, un partage plus équitable des fruits de cette croissance
et un modèle de développement durable.
En outre, sans changement de fond, les crises à venir
auront de plus en plus pour origine la lutte pour l'accès aux ressources
énergétiques, minérales et hydriques et les pressions seront très fortes sur
l'environnement et les ressources : climat, biodiversité, eau, alimentation.
Les prévisions les plus récentes sur le réchauffement
climatique sont catastrophiques. Nous devrons nous donner les moyens de
contenir la hausse des températures à moins de deux degrés, disposer des
financements (innovants) pour procéder aux investissements nécessaires et
mettre en place les structures de régulation adéquates. Ce sera un des principaux défis de la période et
singulièrement de la conférence, présidée par la France, «Paris Climat 2015»
sur le changement climatique. La question environnementale occupera donc une place de plus en plus
centrale.
* *
Mesdames et Messieurs,
La France, puissance d'influence, prendra toute sa
part aux efforts pour répondre à ces défis. L'Europe devra aussi y contribuer,
ce qui implique une Union jouant son rôle de stabilisateur et de multiplicateur
de puissance.
Les prochaines
années seront décisives pour l'avenir de l'Union. Celle-ci devra résoudre la
crise de gestion et de projet qui la mine et répondre à la désaffection de
beaucoup de nos concitoyens, qui attendent de l'Union - mais sont déçus -
davantage d'emplois, davantage de sécurité au sens large et une vie meilleure.
Il faudra, j'ai employé cette formule récemment, «redonner le goût de
l'Europe».
Pour y
parvenir, il faudra à la fois relancer et réorienter l'Europe en répondant à de
nombreuses questions. J'en cite quelques-unes. Comment marier durablement le
sérieux budgétaire et la croissance pour faire reculer le chômage, en
particulier celui des jeunes ? Quelles compétences mettre en commun ? Quelle
articulation trouver entre les États membres disposés à avancer ensemble vers
davantage d'intégration (zone euro) et ceux qui veulent s'en tenir aux
mécanismes actuels, voire même revenir en arrière ? Comment faire évoluer le
système alors qu'il est de plus en plus difficile de réviser les traités à 28
États membres ? Quelle place pour la démocratie et pour les institutions nationales dans
l'intégration européenne ?
L'urgence sera évidemment économique, avec comme
priorité le renforcement de l'Union économique et monétaire. Nous devrons dans
un premier temps avancer autant que possible à traité constant, en examinant
s'il le faut les formules intergouvernementales. Un recours plus fréquent à la
différenciation sera nécessaire. C'est le sens de notre projet d'«Europe
différenciée», articulé avec celui d'«Europe solidaire» qui lui est
complémentaire. Pour cela, j'ai
récemment, à la suite du président de la République, évoqué nos propositions
autour de quatre thèmes que je veux reprendre en quelques mots : simplifier,
protéger, avancer, contrôler.
Pour mieux
répondre aux attentes des Européens, l'Europe devra être plus lisible et plus
proche des citoyens. Pour réussir cette simplification, l'administration devra
mieux respecter la subsidiarité, le déclenchement des coopérations renforcées
entre États devra être facilité, une présidence stabilisée de l'Eurogroupe être
mise en place au service d'un véritable gouvernement économique de la zone
euro, lisible et crédible. La fonction de protection de l'Union sera consolidée
: protection de l'ensemble de l'Union lors des négociations commerciales
internationales ; protection des travailleurs en mettant l'accent sur la
dimension sociale de l'Europe. L'Union devra réaliser aussi des avancées dans
le contenu de ses politiques : politique énergétique, industrielle et
environnementale ; développement du numérique ; politique de la concurrence,
qu'il faudra apprécier à l'échelle mondiale plutôt qu'intra européenne ;
éducation et recherche ; union bancaire et lutte contre l'évasion fiscale ;
politique de défense. Enfin, la France proposera de faciliter un meilleur
contrôle démocratique de l'Union, qu'il s'agisse du Parlement européen ou des
parlements nationaux : leurs pouvoirs d'initiative et de contrôle devront être
accrus, ainsi que le dialogue avec les partenaires sociaux.
* *
Mesdames et
Messieurs,
Le monde de
2025 sera donc celui d'une nouvelle géographie de la puissance, dans lequel
l'Asie et les émergents auront pris un poids croissant. Pour autant, les
fondamentaux que nous observons aujourd'hui auront probablement peu changé : le
monde sera toujours une arène où les États défendront leurs intérêts sur la
base de rapports de force plus ou moins régulés par des instances
internationales aux moyens limités.
Dans ce monde,
la France, je l'ai dit, restera un acteur global. À condition que nous
parvenions à reconquérir nos marges de manoeuvre économiques et financières,
nous pourrons demeurer ce qui fait aujourd'hui notre spécificité : une
«puissance d'influence». La France bénéficie, quoi qu'on dise, d'un État qui
fonctionne, d'un statut international incontesté et d'atouts pour relever
chacun des défis de la période. Qu'il s'agisse de notre indépendance en matière
de politique extérieure, de notre attachement aux droits de l'Homme, de notre
implication dans la construction européenne, ou encore de nos efforts dans le
domaine de la régulation mondiale ou du réchauffement climatique, nos choix
sont, je le crois, validés par l'histoire.
Face à ces
enjeux, la France restera fidèle à ces choix. C'est notre intérêt et c'est
notre vocation de «puissance repère», qui sait aussi s'exprimer et agir au nom
d'une approche plus large, dans le sens de ce que l'on peut appeler l'intérêt
général de la planète. Merci./.
L.A.V.
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