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segunda-feira, 2 de setembro de 2013

Syrie - Entretien du président de la République, M. François Hollande, avec le quotidien «Le Monde»


Q - La France détient-elle la preuve de l'emploi d'armes chimiques le 21 août à Damas ?

R - La question n'est plus de savoir si des armes chimiques ont été utilisées le 21 août dans la banlieue de Damas. C'est un fait établi. Même les autorités syriennes ne le nient plus. Non, la question, c'est de connaître les auteurs de cet acte effroyable. La France dispose d'un faisceau d'indices qui vont dans le sens de la responsabilité du régime. D'abord, plusieurs agressions chimiques avaient déjà eu lieu en Syrie. Mais celle du 21 août, par son ampleur et ses effets, marque un changement de nature. Or, il est avéré que l'opposition ne détient aucune de ces armes, alors que tous les stocks sont contrôlés par Bachar Al-Assad. Ensuite, le quartier frappé ne l'a pas été par hasard, ni par inadvertance : c'est une zone-clé pour le contrôle par le régime des voies de communication vers Damas. Enfin, tout a été fait dans les heures qui ont suivi ces exactions pour en effacer les traces par des bombardements dont on est sûr de l'origine.

Q -Quelle serait la légalité d'une action militaire ?

R - Le protocole de 1925 interdit l'usage des armes chimiques. Gazer une population constitue, comme Ban Ki-moon l'a dit lui-même, un crime contre l'humanité. C'est pourquoi l'ONU est saisie. Et qu'une mission d'inspection a été envoyée sur place. Mais il est à craindre que, quelle que soit l'évidence, le Conseil de sécurité ne soit empêché de prendre la résolution nécessaire pour une action. Il est bloqué depuis deux ans sur la question syrienne.

Q -Et s'il demeure bloqué ?

R - Le massacre chimique de Damas ne peut ni ne doit rester impuni. Sinon ce serait prendre le risque d'une escalade qui banaliserait l'usage de ces armes et menacerait d'autres pays. Je ne suis pas favorable à une intervention internationale qui viserait à "libérer" la Syrie ou à renverser le dictateur, mais j'estime qu'un coup d'arrêt doit être porté à un régime qui commet l'irréparable sur sa population.

Q - Quels sont les buts de guerre ?

R - Je ne parlerais pas d'une guerre, mais de la sanction d'une violation monstrueuse des droits de la personne humaine. Elle aura valeur de dissuasion. Ne pas agir, ce serait laisser faire. La guerre civile en Syrie dure depuis trop longtemps. Elle a fait 100.000 morts. La France a pris très tôt des initiatives. Elle a réuni à l'été 2012 les "Amis de la Syrie" et reconnu la Coalition nationale comme seule représentante légitime du peuple syrien. Elle lui a apporté son soutien politique, puis des aides matérielles et humanitaires et, plus récemment, des moyens militaires dans le respect de nos engagements européens. Aujourd'hui, une étape dans l'horreur a été franchie. Et c'est la riposte, et non l'inertie, qui imposera une solution politique.

Q - Quelle forme peut prendre l'intervention ?

R - Toutes les options sont sur la table. La France veut une action proportionnée et ferme contre le régime de Damas.

R - Si le Conseil de sécurité est empêché d'agir, une coalition se formera. Elle devra être la plus large possible. Elle s'appuiera sur la Ligue arabe, qui a condamné le crime et a alerté la communauté internationale. Elle aura le soutien des Européens. Mais il y a peu de pays qui ont les capacités d'infliger une sanction par des moyens appropriés. La France en fait partie. Elle y est prête. Elle décidera de sa position en étroite liaison avec ses alliés.

Q - Le premier Parlement consulté - celui du Royaume-Uni - a refusé le principe d'une opération en Syrie. Peut-on agir sans nos alliés traditionnels britanniques ?

R - Oui. Chaque pays est souverain pour participer ou non à une opération. Cela vaut pour le Royaume-Uni comme pour la France. J'aurai ce vendredi un échange approfondi avec Barack Obama.

Q - En quoi ce choix diffère-t-il de ce qui a pu être reproché aux néoconservateurs américains en matière d'intervention armée ?

R - En Irak, l'intervention s'est faite alors même qu'aucune preuve n'avait été apportée quant à l'existence d'armes de destruction massive. En Syrie, hélas, les armes chimiques ont été utilisées. En fait, l'opération en Irak visait à renverser le régime. Rien de tel pour la riposte envisagée en Syrie. La France, depuis le début de la guerre civile, a obstinément recherché une solution politique. Ce qui a changé, depuis le 21 août, c'est le massacre chimique. C'est une ligne rouge définie il y a un an qui a été franchie indéniablement.

Q - Libye, Mali, Syrie... La France ne prend-elle pas le risque de multiplier les recours à l'interventionnisme ?

R - En 2011, j'avais approuvé l'engagement de la France en Libye. Mais j'ai regretté que ses conséquences n'aient pas été maîtrisées. En janvier 2013, j'ai pris la décision d'une intervention au Mali. Je constate qu'elle a été efficace, coordonnée avec les Africains et menée dans un délai court. Elle a permis de déboucher sur des élections libres et incontestables. Pour la Syrie, je veillerai à ce que la réponse de la communauté internationale fasse cesser l'escalade de la violence. Chaque situation est différente. Pour chacune d'entre elles, la France prend ses responsabilités au nom de ses valeurs et de ses principes.

Q - Comment gérer la relation avec la Russie au lendemain des frappes ?

R - La Russie refuse d'admettre que le régime ait pu commettre cette abomination, tant elle craint qu'en cas d'effondrement de Bachar Al-Assad, ce soit le chaos. Je veux donc la convaincre que le pire, c'est la situation actuelle. C'est elle qui favorise la montée des groupes djihadistes. J'ai toujours dit au président Poutine que je ne remettais nullement en cause les liens privilégiés que son pays entretient depuis longtemps avec la Syrie. Et l'intérêt de la Russie serait de parvenir au plus tôt à une solution politique.

Q - Êtes-vous assuré du soutien de l'opinion publique ?

R - Quand j'ai décidé d'envoyer nos forces armées au Mali, les Français n'étaient pas encore pleinement conscients de l'ampleur du terrorisme au Sahel. Aujourd'hui, ils sont fiers que nos armées aient libéré un pays ami. Ce que je leur dois en toutes circonstances, c'est la vérité sur les engagements de la France, leur bien-fondé, sans occulter les menaces sur notre propre sécurité. Il n'est pas question d'entraîner notre pays dans une aventure. Mais quel est le plus grand danger : punir un pays qui a utilisé l'arme chimique ou laisser faire un clan aux abois qui peut avoir la tentation de recommencer ? L'arme chimique est un danger pour l'humanité.

Q - Excluez-vous des frappes avant que le Parlement ait pu se prononcer ?

R - J'exclus de prendre une décision avant de disposer de tous les éléments qui la justifieraient. J'ai convoqué le Parlement mercredi en session extraordinaire, il débattra de la situation en Syrie. Et si j'ai engagé la France, le gouvernement l'informera des moyens et des objectifs poursuivis conformément à l'article 35 de la Constitution.

Q - Vous excluez une intervention avant le départ des inspecteurs de Syrie ?

R - Oui./.

L.A.V.



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