Q -
La France détient-elle la preuve de l'emploi d'armes chimiques le 21 août à
Damas ?
R - La question
n'est plus de savoir si des armes chimiques ont été utilisées le 21 août dans
la banlieue de Damas. C'est un fait établi. Même les autorités syriennes ne le nient plus. Non,
la question, c'est de connaître les auteurs de cet acte effroyable. La France dispose d'un faisceau d'indices qui vont
dans le sens de la responsabilité du régime. D'abord, plusieurs agressions
chimiques avaient déjà eu lieu en Syrie. Mais celle du 21 août, par son ampleur
et ses effets, marque un changement de nature. Or, il est avéré que
l'opposition ne détient aucune de ces armes, alors que tous les stocks sont
contrôlés par Bachar Al-Assad. Ensuite, le quartier frappé ne l'a pas été par
hasard, ni par inadvertance : c'est une zone-clé pour le contrôle par le régime
des voies de communication vers Damas. Enfin, tout a été fait dans les heures
qui ont suivi ces exactions pour en effacer les traces par des bombardements
dont on est sûr de l'origine.
Q -Quelle serait la légalité d'une action militaire ?
Q
-Et s'il demeure bloqué ?
R - Le massacre
chimique de Damas ne peut ni ne doit rester impuni. Sinon ce serait prendre le
risque d'une escalade qui banaliserait l'usage de ces armes et menacerait
d'autres pays. Je ne suis pas favorable à une intervention internationale qui
viserait à "libérer" la Syrie ou à renverser le dictateur, mais
j'estime qu'un coup d'arrêt doit être porté à un régime qui commet
l'irréparable sur sa population.
Q -
Quels sont les buts de guerre ?
R - Je ne parlerais
pas d'une guerre, mais de la sanction d'une violation monstrueuse des droits de
la personne humaine. Elle aura valeur de dissuasion. Ne pas agir, ce serait
laisser faire. La guerre civile en Syrie dure depuis trop longtemps. Elle a fait 100.000 morts. La
France a pris très tôt des initiatives. Elle a réuni à l'été 2012 les
"Amis de la Syrie" et reconnu la Coalition nationale comme seule
représentante légitime du peuple syrien. Elle lui a apporté son soutien
politique, puis des aides matérielles et humanitaires et, plus récemment, des
moyens militaires dans le respect de nos engagements européens. Aujourd'hui,
une étape dans l'horreur a été franchie. Et c'est la riposte, et non l'inertie,
qui imposera une solution politique.
Q - Quelle forme peut prendre l'intervention ?
R - Toutes les options sont sur la table. La France veut une action proportionnée et ferme
contre le régime de Damas.
R - Si le
Conseil de sécurité est empêché d'agir, une coalition se formera. Elle devra
être la plus large possible. Elle s'appuiera sur la Ligue arabe, qui a condamné
le crime et a alerté la communauté internationale. Elle aura le soutien des
Européens. Mais il y a peu de pays qui ont les capacités d'infliger une
sanction par des moyens appropriés. La France en fait partie. Elle y est prête. Elle
décidera de sa position en étroite liaison avec ses alliés.
Q - Le premier Parlement consulté - celui du
Royaume-Uni - a refusé le principe d'une opération en Syrie. Peut-on agir sans
nos alliés traditionnels britanniques ?
R - Oui. Chaque
pays est souverain pour participer ou non à une opération. Cela vaut pour le Royaume-Uni
comme pour la France. J'aurai ce vendredi un échange approfondi avec Barack
Obama.
Q - En quoi ce choix diffère-t-il de ce qui a pu être
reproché aux néoconservateurs américains en matière d'intervention armée ?
R - En Irak, l'intervention s'est faite alors même
qu'aucune preuve n'avait été apportée quant à l'existence d'armes de
destruction massive. En Syrie, hélas, les armes chimiques ont été utilisées. En
fait, l'opération en Irak visait à renverser le régime. Rien de tel pour la
riposte envisagée en Syrie. La France,
depuis le début de la guerre civile, a obstinément recherché une solution
politique. Ce qui a changé, depuis le 21 août, c'est le massacre chimique. C'est une ligne rouge définie
il y a un an qui a été franchie indéniablement.
Q - Libye, Mali, Syrie... La France ne prend-elle pas
le risque de multiplier les recours à l'interventionnisme ?
R - En 2011, j'avais approuvé l'engagement de la
France en Libye. Mais j'ai
regretté que ses conséquences n'aient pas été maîtrisées. En janvier 2013, j'ai pris la
décision d'une intervention au Mali. Je constate qu'elle a été efficace,
coordonnée avec les Africains et menée dans un délai court. Elle a permis de
déboucher sur des élections libres et incontestables. Pour la Syrie, je veillerai à ce que la réponse de la
communauté internationale fasse cesser l'escalade de la violence. Chaque
situation est différente. Pour chacune d'entre elles, la France prend ses
responsabilités au nom de ses valeurs et de ses principes.
Q - Comment gérer la relation avec la Russie au
lendemain des frappes ?
R - La Russie refuse d'admettre que le régime ait pu
commettre cette abomination, tant elle craint qu'en cas d'effondrement de
Bachar Al-Assad, ce soit le chaos. Je veux donc la convaincre que le pire,
c'est la situation actuelle. C'est elle qui favorise la montée des groupes
djihadistes. J'ai toujours dit au président Poutine que je ne remettais
nullement en cause les liens privilégiés que son pays entretient depuis longtemps
avec la Syrie. Et l'intérêt de la Russie serait de parvenir au plus tôt à une
solution politique.
Q - Êtes-vous assuré du soutien de l'opinion publique
?
R - Quand j'ai
décidé d'envoyer nos forces armées au Mali, les Français n'étaient pas encore pleinement
conscients de l'ampleur du terrorisme au Sahel. Aujourd'hui, ils sont fiers que nos armées aient
libéré un pays ami. Ce que je leur dois en toutes circonstances, c'est la
vérité sur les engagements de la France, leur bien-fondé, sans occulter les
menaces sur notre propre sécurité. Il n'est pas question d'entraîner notre pays
dans une aventure. Mais quel est le plus grand danger : punir un pays qui a
utilisé l'arme chimique ou laisser faire un clan aux abois qui peut avoir la
tentation de recommencer ? L'arme chimique
est un danger pour l'humanité.
Q -
Excluez-vous des frappes avant que le Parlement ait pu se prononcer ?
R - J'exclus de
prendre une décision avant de disposer de tous les éléments qui la
justifieraient. J'ai convoqué le Parlement mercredi en session extraordinaire,
il débattra de la situation en Syrie. Et si j'ai engagé la France, le
gouvernement l'informera des moyens et des objectifs poursuivis conformément à
l'article 35 de la Constitution.
Q - Vous excluez une intervention avant le départ des
inspecteurs de Syrie ?
R - Oui./.
L.A.V.
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