François
Hollande a de
bonnes raisons de se mordre aujourd'hui les doigts pour avoir imprudemment
engagé la France dans une entreprise hasardeuse de
représailles contre la Syrie.
On discerne les motifs qui l'y avaient poussé. L'un d'entre eux, le moins
avouable, procède à l'évidence d'un calcul politique consécutif au succès de
l'opération malienne. On peut supposer que cet avantage lui soit
monté à la tête. Le président de la République a sans doute vu dans
l'engagement contre la Syrie l'occasion de consolider sa stature naissante de
chef de guerre. C'est humain !
D'autres raisons, plus nobles, se sont
sans doute ajoutées à cette tentation, et notamment des raisons morales. On
peut être hostile à la politique de François Hollande sans lui faire à tout
bout de champ des procès d'intention. Le tropisme éthique est dans la
culture socialiste, et il est concevable que Hollande lui ait obéi en la
circonstance. La référence de sa part à la "punition" à infliger à
Bachar el-Assad auquel on impute l'emploi de l'arme chimique, crime particulièrement
monstrueux, part d'un sentiment honorable. Malheureusement, l'honneur, la
vertu, la morale en général font parfois commettre aux grands de ce monde des
erreurs politiques. Comme dit
Chevènement: "Aujourd'hui on a remplacé le droit par la morale. Et de la
morale on passe à la punition. C'est plus facile, mais c'est très dangereux,
car le fameux droit d'ingérence, c'est toujours le droit du plus fort". Féroce,
mais vrai.
On
aurait préféré que la France évitât cette déconvenue
Tout
le problème est là, c'est celui d'un rapport de force, mal évalué et mal géré
par le président de la République qui ne flaira pas le piège qu'il se tendait.
Un double piège, on l'a assez dit : le risque de l'isolement international et
le risque de l'embrouille nationale.
Sur le plan international, tout était
bien parti. On peut contester sur le fond la stratégie des États-Unis, de
l'Angleterre et de la France, mais cette triple alliance avait un sens. Le
désaveu de Cameron par son Parlement et la volte-face d'Obama ont modifié les
données de la situation et laissent Hollande seul sur le champ d'une bataille
qu'il a conçue et annoncée, mais qui n'a pas commencé et ne commencera
peut-être jamais. Cette situation est pour le moins inconfortable, au pire
humiliante. Jean-Marc Ayrault a bien été forcé de l'avouer hier soir : "La
France n'ira en Syrie que dans le cadre d'une coalition." Sans doute
faut-il se réjouir que cette coalition ait du plomb dans l'aile, mais on aurait
préféré que la France évitât la déconvenue qu'elle rencontre aujourd'hui.
Sur
le plan national, François Hollande n'en sort pas renforcé, c'est le moins que
l'on puisse dire. Le consensus qui avait entouré l'opération malienne est
brisé. Et pour cause : intervenir au Mali était dans l'intérêt et dans les
moyens de la France, intervenir en Syrie aurait été et serait contraire à
l'intérêt de la France. L'opposition n'est pas seule à le penser. À gauche
nombreux sont ceux qui partagent ce jugement. Harlem Désir aurait bien fait de
se le rappeler avant d'insulter ceux qui y souscrivent. Mais ceux-ci sont
condamnés au silence : il n'y aura pas de vote sur l'affaire syrienne demain à
l'Assemblée, Hollande ne prendra pas ce risque, la loi institutionnelle l'en
dispense. Heureuse loi qui permet à un président largement minoritaire
dans l'opinion de décider de la guerre ou de la paix.
Ainsi,
si la guerre n'a pas lieu, François Hollande pourra-t-il se targuer d'avoir été
empêché de la faire non pas par la volonté de la nation, mais par la démission
de ses alliés. Héros par défaut !
=Le Point=
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