Comment
annoncer à la majorité qu'il va falloir abandonner le programme présidentiel :
François Hollande face au mur des réalités et de ses mensonges.
S'il continue de
tergiverser, François Hollande devra tôt ou tard expliquer qu'il faut
abandonner l'idée d'une politique de relance pour une politique de
compétitivité financée par une réduction des dépenses publiques.
La semaine de François Hollande s’est terminée
vendredi par une sorte de conseil de guerre économique convoqué d’urgence à
l’Elysée en début d’après-midi.
Il y avait là, le cœur de la gouvernance. Le président
et son conseiller Emmanuel Macron ont consulté pendant deux heures, Jean-Marc
Ayrault, Pierre Moscovici et Michel Sapin.
Rien n’a filtré hormis le fait que ce conseil de crise
devait examiner les conséquences de l’effondrement des ventes dans
l’automobile.
Comme si les membres des
gouvernements avaient découvert ce matin la situation très critique du secteur.
La
semaine de François Hollande a été une fois de plus désastreuse.
Une
avalanche de mauvaises nouvelles auxquelles, lui et son gouvernement, ont été
incapables de répondre par une explication cohérente.
S’en
est suivie une succession de décisions complètement décalées, contradictoires
et même dangereuses.
Enfin,
une série de voyages et de visites censées lui donner de la hauteur, comme
d’habitude, mais qui ont encore flouté son image.
Plus les jours passent, plus
le président de la République donne le sentiment de ne plus avoir de stratégie
et de visibilité.
Tout le monde s’en plaint, à commencer par ses
ministres, ses collaborateurs et les dirigeants du Parti socialiste. "Tout remonte désormais à l’Elysée, comme autrefois avec
Sarko", dit l’un des ministres.
"Ce qui est nouveau
avec Hollande, c’est que rien ne redescend".
D’où le sentiment de désordre et d’indécision.
En
début de semaine, les chiffres du chômage ont complètement affolé la
"Hollandie" et provoqué une épouvantable cacophonie d’explications et
de justifications.
Les
3 169 000 demandeurs d’emplois inscrits au chômage dans la France
métropolitaine à fin janvier (40.000 de plus en un mois) ont fait l’effet d’un
électrochoc.
Ce
chiffre est tombé dans un moment où l’économie française nous a offert un
bouquet de chiffres particulièrement graves, une croissance zéro en 2012 et
2013, des objectifs de rééquilibrage budgétaire qui ne seront pas atteints, un
déficit de compétitivité qui continue de laminer nos positions…
Mais
avec le chômage, on n’est plus dans le concept ou dans les chiffres abstraits.
On
est dans la réalité qui va devenir intenable.
Parce
que si on ajoute aux 3 millions de chômeurs officiellement inscrits tous ceux
qui se sont découragés, tous ceux qui ne se sont pas inscrits et qui sont en
fin de droits, on dépasse les 5 millions de personnes placées en dehors du
marché de l’emploi, soit 15 % de la population active.
C’est
surtout 25% chez les moins de 30 ans et les plus de 50 ans, d’où les risques
d’explosion sociale et de violence dans certaines banlieues que surveille avec
inquiétude le ministre de l’Intérieur Manuel Valls.
Tout le monde se rend compte
que l'on ne peut pas, en l'état actuel des choses, espérer une reprise de
l’activité de production, contrairement à ce que le président et le gouvernement
avaient annoncé.
Et ce, pour deux raisons.
D’une part, le matraquage fiscal infligé aux
entreprises et aux créateurs de richesse a étouffé les projets.
D’autre part, les facteurs de soutien extérieur sur
lesquels on pouvait compter sont très fragiles.
Les États-Unis sont en risque de ralentissement
compte-tenu des coupes budgétaires.
Quant à la Zone euro, elle est à nouveau très
perturbée par le désordre italien.
Or, la stabilité de l’euro paraissait acquise.
Cette situation renforce ceux qui, au PS, considèrent
qu’on ne peut plus aggraver la pression fiscale mais qu’il va falloir
développer une vraie politique de compétitivité avec une baisse des coûts (coût
du travail, des impôts, de l’énergie et prix de l’euro).
Ce qui implique évidemment
des baisses de dépenses publiques (des vraies) et des réformes en profondeur
d’ordre fiscal et social qu’on a toujours refusées d’aborder pour des raisons
politiques évidentes.
Face à ce diagnostic qui n’a
échappé à personne, l'Elysée est, cette semaine, resté complètement muet.
Du coup les membres du gouvernement sont partis
dans tous les sens.
Pierre Moscovici, ministre de l’Économie, qu’on
n’entendait pas beaucoup, s’est fendu d’un voyage spectacle à Londres d’une
journée pour expliquer, aux caméras françaises qui le suivaient, que la
France allait rester droite dans ses bottes en dépit d’une situation
compliquée.
Sur place, il a surtout été obligé d’écouter les
Français résidents lui expliquer pourquoi ils avaient pris l’Eurostar pour
venir travailler dans la City.
Et ce n’était pas triste.
Il n’y a pas que des bac +5 qui s’enrichissent dans la
finance (très souvent d’ailleurs dans les grandes banques françaises qui ont
toutes installé leur salle de marché sur la Tamise) mais il y a aussi des Bac-3
qui trouvent le petit boulot complètement impossible à Paris.
Arnaud Montebourg, le ministre du Redressement
Productif a, certes, reçu l’appui, un peu puéril mais pas désintéressé, du
président France de Coca-Cola, Tristan Faradet, mais il a aussi décidé de
changer de registre : "on va désormais
visiter les entreprises françaises qui marchent dans l’hexagone", dit un de ses
proches.
Bonne idée. Parce que si le gouvernement veut
véritablement de la croissance, mieux vaut s’occuper des entreprises qui sont
capables de la créer.
Encore qu’au patronat, on ne
demande que deux choses : qu’on laisse travailler les entreprises en
liberté et que l’on accepte que ceux qui créent de la richesse soit récompensés
financièrement pour les risques qu’ils prennent.
Sinon, ils n’en prendront pas et, s’ils ne prennent
pas de risques, il n’y aura pas d’activité.
C’est tout simple l’économie.
Le jour où les gouvernants auront compris que l’on ne
travaille que si on a intérêt à travailler, on aura fait de gros progrès.
Le patronat est d’autant plus furieux que la base des
patrons est très remontée.
Outre la conjoncture, outre la fiscalité sur les
dividendes et les plus-values que les patrons ne digèrent pas, la décision
prise par le Sénat d’amnistier les faits de violence ou les entraves au droit
du travail commis par les syndicalistes leur reste dans la gorge.
A quoi sert la concertation et la négociation si on
encourage le rapport conflictuel ?
Le climat est d'autant plus tendu que le mouvement
patronal est entré en campagne pour le renouvellement de la présidence.
Alors Laurence Parisot espère faire un troisième
mandat ce qui impliquera un changement des statuts mais ces deux concurrents
déclarés, Geoffroy Roux de Bézieux qui représente plutôt les jeunes entreprises
et les start-ups et Pierre Gattaz, fils de son père, les entreprises familiales
de taille moyenne et plutôt industrielle vont tout faire pour lui barrer la
route en surfant sur la grogne et la rogne des chefs d’entreprise.
De son côté, Jérôme Cahuzac, le ministre du Budget, qui espère avoir éteint l’incendie qui s’était déclaré dans sa maison à propos d’un soupçon d’évasion fiscale, s’est lui aussi mis au grand écart.
Il prévient qu’il faudra que le
gouvernement trouve 6 milliards d’euros de plus.
Il annonce qu’il faudra réduire les dépenses publiques
plutôt qu’augmenter les impôts mais continue de défendre le bien -fondé de la
politique fiscale qui a été appliquée jusqu’à maintenant… Il va d’ailleurs
jusqu’à expliquer le résultat des élections en Italie par l’échec de la
politique économique de Mario Monti.
Une politique punitive et récessive.
Comprenne qui pourra.
Il n’ira quand même pas jusqu’à se réjouir de l’éventuel
retour de Sylvio Berlusconi.
Il y a des limites au grand écart. Bref, le ministre du
Budget se prépare lui aussi au changement mais rêve que le PS ne s’en aperçoive
pas.
Si on comprend bien, pour le
clan des pragmatiques socio-démocrates, les Cahuzac, Moscovici, et même
certains jours Jean-Marc Ayrault, tout ce qu’ont fait François Hollande et la
majorité c’est forcément bien… mais il va falloir tout changer !
Ce qui est
extraordinaire c’est que même Ségolène Royal est en train de se convertir au
libéralisme.
A peine nommée vice-présidente à la Banque publique
d’investissement, elle a déclaré cette semaine au micro de RMC-BFM que la
croissance reviendra par les entreprises.
Plus question de redistribuer l’argent public pour
créer de la demande et relancer la croissance.
Ceux qu’il faut aider ce sont les entreprises
qui marchent par l’investissement et une meilleure compétitivité…
Tout arrive mais on croit rêver.
La majorité des militants du PS, et surtout ceux du
Front de gauche, ont très bien compris ce qui se préparait et ne sont
guère disposés à l’accepter.
D’où la gêne des membres du gouvernement et le silence
de l’Élysée.
Comment annoncer à la
majorité politique qu’il va falloir abandonner le programme présidentiel, celui
sur lequel le président a été élu, et changer de politique économique pour
franchir le mur des réalités.
François Hollande tergiverse et hésite. Sauf qu’il va
bien être obligé de plonger dans le grand bain.
Il est harcelé de partout, à
commencer par ses amis, les maires socialistes des grandes villes qui font
remonter la grogne.
Gérard Colomb, le maire de Lyon ne manque pas une
occasion pour lui demander de changer d’attitude.
Au point que cette semaine Jean-Marc Ayrault a
invité à dîner à Matignon, les barons
PS, représentants les collectivités locales, Les Michel Destot, président des
maires des grandes villes, les Christian Pierret pour les villes moyennes et
Martin Malvy pour les petites communes.
Ce n'est pas le début de la fronde contre l'État
mais ça y ressemble.
Les responsables des collectivités locales sont loin
d'accepter les réductions de dotation (5 milliards en trois ans) sans
compensations ou allègements de charges.
Bref, ils ne veulent pas être les dindons de la farce
budgétaire.
Pour les calmer, le Premier ministre leur a
promis d’organiser une conférence nationale des finances locales le 12 mai.
En attendant, M. Laignel, le président de la
commission de financement local se plaint amèrement d’un gouvernement qui parle
sans cesse de croissance et de relance mais qui fait surtout de la rigueur.
Bref, une stratégie toujours aussi illisible.
Le pouvoir est également harcelé par les chefs
d’entreprise qui défilent chez Emmanuel Macron le secrétaire général adjoint,
par les Allemands, par la commission de Bruxelles et la Banque centrale.
La presse allemande par
exemple considère que le désordre en Italie va servir de révélateur aux
faiblesses structurelles de la France et s’étonne que des membres du
gouvernement puissent se réjouir de l’arrivée des deux clowns "Grillo et
Berlusconi" après s’être félicité pendant plus d’un an du sérieux d’un
Mario Monti.
Côté Banque centrale, Mario Draghi, lors d’une
conférence à Munich, a rassuré les marchés en confirmant qu’il continuera
d’alimenter le système en liquidités.
Les Allemands n’ont pas réagi.
Preuve qu’ils sont eux aussi très inquiets.
Mais Mario Draghi a aussi rappelé à l’adresse de la
France les règles du contrôle budgétaire.
Une fois de plus.
Sur un tout autre plan, l’Élysée ne pourra pas non
plus se taire éternellement sur la suppression du jour de carence pour les
fonctionnaires qui fait des ravages dans le privé (où il y a trois jours de
carence).
Bref, il va falloir réagir vite.
D’autant que le voyage à Moscou où il n’a pas été très
bien reçu, ne lui a pas permis de réoccuper l’espace.
Quant à la guerre au Mali, elle ne fait plus recette
dans l’opinion publique.
Il lui faudra donc expliquer
quel est le cap et comment on passe d’une politique de relance à une politique
de compétitivité financée par une réduction des dépenses publiques.
Il ne commencera sans doute pas la semaine prochaine,
la France est encore en vacances d’hiver, mais les semaines suivantes, il
faudra s’attendre à ce qu’il recommence à occuper les écrans de télévision tous
les jours.
L. A. V.
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