L'euro, j'y ai cru, j'ai même approuvé. Pour qui aime voyager en Europe -- et pour une italophile convaincue comme
moi -- l'euro est un réel plaisir. Plus besoin de jongler avec les milliers de
lires pour s'acheter une glace. Ou de se creuser la tête pour deviner le
prix d'une entrée pour le musée de Pergame à Berlin.
D'un point de vue historique, l'euro me paraissait une
belle idée, un pas supplémentaire vers une Europe non seulement économique mais
aussi politique. Mon côté idéaliste sûrement...
Economiquement aussi, l'euro était séduisant :
renforcer les liens commerciaux, économiques et financiers à tous les niveaux,
du citoyen aux Etats en passant par les banques ou les entreprises. Sur le
papier donc, l'euro a vraiment de quoi déclencher l'enthousiasme.
L'euro a un problème
de digestion
Le problème de l'euro, c'est qu'il a eu les yeux plus gros que le ventre. Les Européens ont voulu faire de l'euro une devise d'envergure internationale, capable de rivaliser avec le dollar. Pour cela, il fallait que la monnaie unique ait le plus de poids possible, et donc qu'elle intègre le plus d'économies possibles.
Le problème de l'euro, c'est qu'il a eu les yeux plus gros que le ventre. Les Européens ont voulu faire de l'euro une devise d'envergure internationale, capable de rivaliser avec le dollar. Pour cela, il fallait que la monnaie unique ait le plus de poids possible, et donc qu'elle intègre le plus d'économies possibles.
L'euro est donc devenu un outil de pouvoir. En intégrant des pays comme la Grèce et plus récemment des pays d'Europe de
l'est (Slovénie, Slovaquie, Estonie...), l'Europe a voulu étendre sa zone d'influence.
Et puis faire partie de l'euro signifie aussi profiter
de la libre circulation des biens et des personnes. Adieu droits de douane. Pour les pays exportateurs, et en plein
développement économique, rejoindre l'euro a été une occasion qu'il était difficile
de refuser.
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Malgré ces défauts, l'euro attire donc. Et pour
rejoindre le cercle des élus, certains ont été prêts à tout, et surtout à
falsifier l'état réel de leurs finances publiques. Ce n'est plus un secret pour personne que la Grèce s'est lancée, avec
l'aide de Goldman Sachs, dans un montage financier particulièrement complexe
pour minimiser son déficit et ainsi rejoindre la monnaie unique.
Trois règles pour une union monétaire
Dans les années 50, les économistes Mundell et Fleming élaborèrent la théorie des zones monétaires optimales, soit les conditions indispensables pour une union monétaire réussie. Les trois principaux critères sont les suivants :
- La capacité
d'adaptation aux divergences économiques et financières existant entre les
différents membres de l'union monétaire.
- L'intégration économique.
- Une résistance commune aux chocs économiques.
- L'intégration économique.
- Une résistance commune aux chocs économiques.
Commençons par l'intégration économique. Elle est
certes forte, nombre de pays de la Zone euro ayant profité de cette union
monétaire. Le reste de la Zone euro est ainsi devenu l'un des principaux
clients de l'industrie exportatrice allemande, l'Espagne exporte produits
chimiques, chaussures ou vêtements vers le Portugal, l'Italie, la France ou
l'Allemagne et l'Italie exporte à 56% vers le reste de l'Europe.
Cependant, comme le souligne Francesco Saraceno,
économiste à l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), dans
un entretien accordé au Monde, l'euro a pu s'accompagner
d'une baisse de compétitivité. Et de citer le cas italien : "à part
quelques petites niches très compétitives et très présentes sur les marchés
internationaux, le pays a perdu en compétitivité, particulièrement depuis 1999,
année d'entrée de l'Italie dans la Zone euro".
Aujourd'hui, alors que toute la Zone euro est menacée
par la récession, que les pays traditionnellement importateurs revoient à la
baisse leur demande, l'intégration économique se délite progressivement. Les
entreprises allemandes subissent ainsi de plein fouet le recul de la demande
européenne et sont obligées de se tourner vers des horizons plus lointains (les
Etats-Unis ou l'Asie) pour trouver de nouveaux débouchés.
En matière de résistance aux chocs économiques, les
divergences sont flagrantes. Dans la première phase de la crise, ce sont les
économies les plus financiarisées, comme l'Irlande, qui ont souffert. Puis ce
fut le tour des économies les plus endettées (Grèce) et/ou au secteur bancaire
les plus fragiles (Espagne, Portugal, Chypre...). La prochaine vague va frapper
des économies plus importantes en taille et qui ne parviennent pas à rassurer
les marchés sur l'efficacité de leurs mesures de réduction de l'endettement
(Italie, France ?...).
Jusque-là, seuls l'Allemagne et les pays du Nord de
l'Europe ont plutôt bien résisté à la crise des subprime, puis à celle de
l'euro. Pour combien de temps ?
Dernier point,
la capacité d'adaptation et d'ajustement. Ce que cela signifie ? Par exemple,
que si un pays a un coût du travail plus faible que les autres, il attirera
capitaux, investissement et entreprises, et que donc, sa croissance décollera
et entraînant le niveau de vie et finalement le coût du travail rejoindra la
moyenne. Dans les faits, ces mécanismes ne jouent pas tant que cela en Europe.
Ces ajustements étaient censés compenser
l'impossibilité de chaque pays de mener sa propre politique monétaire. En
effet, de manière classique, si un pays fait face à une montée du chômage et à
un recul de sa croissance, il baisse ses taux directeurs pour encourager le
crédit, l'investissement et la consommation. Et si son économie montre des
signes de surchauffe et donc d'inflation, il ressert ses taux.
Les pays de la Zone euro sont quant à eux pieds et
poings liés et doivent appliquer la même politique monétaire, décidée par la
BCE. Cette impossibilité de jouer sur l'inflation prolonge manifestement la
crise dans les pays du Sud. Quant aux économies encore fortes de la zone euro,
elles craignent une baisse des taux qui accentuerait les risques
inflationnistes.
Comment gérer une union monétaire quand certains
membres empruntent à 1,2% sur 10 ans (l'Allemagne) alors que d'autres à plus de
12% (la Grèce) ? La Zone euro est devenue ingérable quand les rendements
des pays européens se sont mis à diverger, en 2008.
Elément aggravant, la crise chypriote a été l'occasion de
sérieux coups de couteau dans le contrat nuptial de l'euro. Celui-ci prévoyait
une libre circulation des changes à l'intérieur de la zone. Le contrôle des
transactions financières qui a été instauré à Chypre -- et tout
particulièrement celui des virements à l'étranger -- est clairement en
contradiction avec ce principe.
Sans
politique monétaire commune, le fondement même de l'euro disparaît. Allons même
plus loin, l'euro est déjà mort. Son existence n'est que de façade, maintenue
artificiellement en vie par la BCE qui refuse de reconnaître que les besoins
des pays du sud divergent par trop de ceux des pays du nord pour continuer de
proposer une seule et unique voie.
Qu'est-ce que cela signifie pour
vous ?
L'aggravation de la crise européenne donne aussi une tribune libre aux opposants à l'euro. Les élections italiennes et les interminables (insolubles ?) tractations sur la nomination d'un gouvernement en sont la dernière preuve. Les partis comme le mouvement Cinque Stelle ainsi que le PDL, de Berlusconi, ont fait leur beurre des thématiques anti-européennes et anti-allemandes.
L'aggravation de la crise européenne donne aussi une tribune libre aux opposants à l'euro. Les élections italiennes et les interminables (insolubles ?) tractations sur la nomination d'un gouvernement en sont la dernière preuve. Les partis comme le mouvement Cinque Stelle ainsi que le PDL, de Berlusconi, ont fait leur beurre des thématiques anti-européennes et anti-allemandes.
Alors
que l'Allemagne concentre le ressentiment des pays du sud, de l'Italie à
l'Espagne en passant par Chypre ou la Grèce, la survie de l'euro tel que nous
le connaissions devient de plus en plus douteuse.
Cela
signifie-t-il que l'euro va exploser en vol dans les semaines qui
viennent ? Non. Mais que les crises vont se multiplier, oui. Et que,
progressivement, va se mettre en place un euro à deux vitesses. Autre possibilité :
les économies du sud, telles Chypre ou la Grèce, vont quitter la Zone euro.
C. A.
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