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domingo, 14 de abril de 2013

Nicolas Maduro, l'héritier improbable du "Comandante"

Hugo Chavez en avait fait son dauphin. Favori dans les sondages, Nicolas Maduro devrait lui succéder, même si, pour nombre de ses concitoyens, il demeure un inconnu. Portrait. De notre correspondant.
Nicolas Maduro en meeting à Catia La Mar, le 9 avril. 

Nicolás Maduro n'est-il qu'une pâle copie de Hugo Chávez ? Il le compare au Messie et invoque son esprit à chaque meeting. Il a repris son Programme de la Patrie 2013-2019 à son compte. En dix jours de campagne, il a cité son nom plus de six mille fois, selon le site madurodice.com. Donné largement vainqueur dans les sondages, le président vénézuélien par intérim devrait, sauf surprise, succéder au "Comandante" lors de l'élection du 14 avril. Mais ce colosse de 1,90 mètre, à l'épaisse moustache noire, pourra-t-il le remplacer ?
Hugo Chávez a clairement désigné ce personnage austère et dénué de charisme, un civil de surcroît, comme son héritier. "S'il devait m'arriver quelque chose, vous élirez Nicolás Maduro. Avec sa main ferme et son coeur d'homme du peuple, c'est l'un des meilleurs", avait-il lancé lors de sa dernière apparition télévisée, le 8 décembre 2012, trois mois avant sa mort. Malgré son adoubement cathodique et sa victoire annoncée, l'intéressé demeure largement un inconnu aux yeux de ses concitoyens.
Un jeune militant fan de rock
Il a toujours été l'homme de l'ombre de la révolution vénézuélienne. Lorsqu'il découvre à la télévision celui qu'il appelle désormais son "père", lors du coup d'Etat avorté du 4 février 1992, Nicolás Maduro Moros n'est encore qu'un simple dirigeant syndical. Né en 1962 dans une famille très modeste de la capitale, Caracas, le futur président intérimaire du Venezuela s'est très rapidement engagé en politique. Il n'a que 12 ans lorsqu'il entre à Ruptura, un mouvement étudiant lié au guérillero et formateur de Hugo Chávez, Douglas Bravo. Ses premières années au collège José-Avalos, près de l'université centrale du Venezuela, sont marquées par une intense activité militante dans le Mouvement étudiant d'Unité avec le Peuple (Meup).
"Alors que les autres adolescents allaient se baigner, nous vendions des empanadas [chaussons feuilletés, NDLR] sur la plage pour financer le parti", raconte son ami d'enfance et compagnon de lutte, Juan Barreto. A la fin des années 1970, après avoir joué en soirée quelques accords dans le groupe de rock Enigma, le jeune activiste passe ses nuits à parler politique. Dans la semi-clandestinité, il sort toujours avec sa brosse à dents, une paire de grosses bottes et le "Petit Livre rouge" de Mao. "On ne savait jamais quand on allait rentrer", explique Juan Barreto. Le Meup est alors considéré comme le bras étudiant de la Ligue socialiste, un mouvement maoïste lié à la guérilla. S'il prend part aux affrontements réguliers avec la police, Nicolás Maduro n'est presque jamais en première ligne.
Homme de coulisse
Travailleur acharné, le socialiste a toujours été un homme de coulisse. A partir de 1994, lorsque Hugo Chávez sort de la prison de Yare où il a été enfermé à la suite de sa tentative de coup d'Etat, il organise patiemment la montée en puissance du leader vénézuélien. Il intègre vite le premier cercle de Chávez en s'occupant tant de sa sécurité que de la logistique de ses apparitions publiques. Il aide aussi parfois les compagnons du leader restés dans la clandestinité. "Il m'a sauvé la mise plus d'une fois", commente Freddy Bernal, arrêté à six reprises dans les années 1990 avant de devenir maire de la capitale.
Nicolás Maduro aurait participé activement à une tentative de coup d'Etat militaire le 27 novembre 1992, quelques mois seulement après l'incarcération de Hugo Chávez. Freddy Bernal raconte que, cette nuit-là, un colonel devait lui apporter des fusils : "Nous avons échangé des appels de phares et j'ai vu descendre de la voiture une silhouette fine. C'était Maduro."
Bon négociateur
Jusqu'en 1996, période à laquelle Hugo Chávez décide de se consacrer à la prise du pouvoir par les urnes, Nicolás Maduro est l'un des plus fervents défenseurs de la lutte armée au sein du parti historique du "Comandante", le Mouvement bolivarien révolutionnaire 200 (MBR-200).
Sous la première présidence de Hugo Chávez, le loyal serviteur monte rapidement les échelons. Après avoir participé à la rédaction de la nouvelle Constitution en 1999, plus exactement du chapitre sur les droits du travail, il devient député. Un élu peu actif. "Il n'a alors écrit aucune loi", critique Eduardo Semtei, ancien dirigeant du Mouvement de Gauche révolutionnaire (MIR) passé à l'opposition.
Malgré tout, Nicolás Maduro obtient les faveurs de Hugo Chávez et est élu président de l'Assemblée nationale en 2005. Jugé bon négociateur, de nature posée, l'ancien syndicaliste prend du galon et accède en 2006 au poste de ministre des Affaires étrangères. Pendant six ans, il suit le président vénézuélien dans tous ses déplacements, au point d'avoir été traité de "chien de Chavez" par un diplomate américain, dans une note révélée par WikiLeaks.
Il se dévoue entièrement à l'homme et à ses idées. Partisan de la libération de l'Amérique latine du joug de "l'empire nord-américain", il refuse d'apprendre l'anglais. Nicolás Maduro fortifie alors l'Alliance bolivarienne pour les Peuples de notre Amérique (Alba) et facilite l'incorporation du pays dans le Marché commun du Sud (Mercosur).
Partisan de la théorie d'un "monde multipolaire", il ravive les liens du Venezuela avec le Brésil, la Russie et la Chine mais aussi l'Iran, la Biélorussie et la Libye. Fidèle à la politique de son "père" même après sa mort, il continue à soutenir inconditionnellement la dictature syrienne.
L'homme des Castro
Aux yeux de Hugo Chávez, Nicolás Maduro était aussi l'homme des Castro. Les liens affectifs que le président intérimaire entretient avec Cuba sont tels qu'il a récemment fait résonner l'hymne de l'île lors d'une cérémonie officielle. Il a affirmé qu'il maintiendrait tous les accords bilatéraux avec Cuba, pétroliers notamment, au grand dam de la droite vénézuélienne.
L'île révolutionnaire a toujours attiré Nicolás Maduro. A l'adolescence, l'activiste tente d'entrer à l'université en économie mais ses notes ne le lui permettent pas. Il part alors à Cuba pour une formation en sciences politiques, pendant neuf mois. A son retour à Caracas en 1983, la Ligue socialiste l'envoie réaliser son "service ouvrier" dans une compagnie de bus. Bien qu'il n'y reste que quelques années, pendant lesquelles il est surtout connu pour le nombre d'accidents qu'il provoque, l'image est restée. Trente ans plus tard, les médias internationaux parlent du "chauffeur qui a pris le volant de la révolution ".
Entre 1986 et 1987, Nicolás Maduro repart sur l'île de Fidel Castro pour une formation syndicale, après quoi il fonde le nouveau syndicat du métro de Caracas (Sitrameca). "Nicolás Maduro n'a pas été éduqué à l'université mais il n'est pas bête pour autant", tient à préciser Orlando Chirino face aux critiques de l'opposition. Cet ex-candidat à l'élection présidentielle de 2012 connaît bien Nicolás Maduro pour avoir travaillé avec lui dans les années 2000 au sein de la Force bolivarienne des Travailleurs (FBT).
Selon Orlando Chirino, l'empreinte cubaine est toujours prégnante dans l'attitude du successeur de Hugo Chávez : "Il a développé un sens rigide de la hiérarchie et une culture du secret que l'on retrouvait pendant les réunions syndicales, même s'il jouait habilement, en sous-main, en bon diplomate. "
A la recherche d'un style Maduro
Ses qualités de négociateur lui seront utiles pour affronter les divisions qui ne manqueront pas de naître après la disparition, le 5 mars dernier, du leader vénézuélien. Ce civil pourrait avoir à affronter le courant des militaires incarné par le président de l'Assemblée, Diosdado Cabello, bien que les deux hommes montrent pour l'instant le visage de l'unité. "Nicolás Maduro a hérité d'un fardeau lourd à porter", jugeait, en décembre, le vice-ministre des Affaires étrangères, Temir Porras, face à l'apparent désarroi de son supérieur à l'annonce de la rechute de Chávez.
Depuis lors, selon l'analyste Maryclen Stelling, il calque sa technique discursive sur celle du leader charismatique : "Nicolás Maduro doit développer sa propre personnalité mais il doit aussi utiliser le même vocabulaire guerrier que le mythique Hugo Châvez. " L'affable Nicolás Maduro dénonce ainsi aujourd'hui la "bourgeoisie apatride et fasciste" et glorifie "l'humilité du vrai peuple".
Le nouvel homme fort de la révolution cherche néanmoins son propre style. S'il ne danse pas, il siffle. Dans chaque meeting, il imite l'oiseau Chávez venu lui " rendre visite " pour le bénir. Le révolutionnaire a passé les seules vacances qu'on lui connaisse depuis quatorze ans auprès du prédicateur indien Sai Baba, adepte de la réincarnation et décédé en 2011. Croyant tout comme son mentor, mais plus mystique, il appelle dorénavant Hugo Chávez le "Christ rédempteur des pauvres".
Nicolás Maduro souhaite approfondir la politique sociale du gouvernement et renforcer la démocratie directe. Pragmatique, il a aussi fait campagne sur l'insécurité, un thème secondaire pour son prédécesseur. Il résume ainsi son programme de gouvernement : "Avec Nicolás Maduro, le chavisme sera plus mature [" más maduro "] et plus dur [" más duro "]. " Pas sûr que l'usage de superlatifs suffise à le démarquer de son mentor.
Simon Pellet-Recht à Caracas - Le Nouvel Observateur


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